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Le Blog de Cristau de Hauguernes
2 janvier 2025

La fièvre jaune

Adishatz,

Si le caractère primordial du facteur climatique dans la fortune du chercheur de champignons ne souffre pas l'ombre d'un débat, rarement ce dernier aura autant pesé en notre défaveur qu'en cette année 2024. Et c'est avec un certain soulagement que je vous retrouve à l'aube de 2025 pour en parler. Car on a beau dire que les "vrais" savent se satisfaire de peu, entre le peu et le néant absolu il y a une nuance appréciable et ces dernières semaines firent à beaucoup l'effet d'un interminable cortège funèbre, à cette nuance près qu'on espère toujours qu'ici ou là le cher disparu aura mis sur notre chemin quelque signe de vie.

Un printemps des morilles sur le gril...

Cela devient hélas une habitude, les pics de chaleur à plus de 30 degrés des premières semaines d'avril contrarient, écourtent et amoindrissement gravement la saison des morilles. Cette année, les petites fées des ripisylves n'étaient pas très en avance, les premières pointant seulement le 28 mars, en tout petit comité, juste avant le coup de chalumeau. Il est d'ailleurs fort probable qu'à quelques individus près cette première pousse ait tout bonnement avorté. Malgré tout, une deuxième, un peu plus importante, verra le jour, à partir du 8 avril, et certaines morilles survivront tant bien que mal au deuxième coup de chalumeau, plus modéré, ce qui leur donnera de prendre leurs aises au cours d'une seconde quinzaine humide et fraîche. Reste que le bilan 2024 est bien maigre, 19 morilles dans ma morillère fétiche, c'est un peu mieux qu'en 2023 mais c'est très en deçà des standards des années précédentes et je n'ose même pas comparer avec ceux de la décennie 2000. Dans toutes les autres morillères de plaine de ma connaissance, le tableau est également famélique. Plus inquiétant encore, l'indigence observée à très basse-altitude ces dernières saisons semble gagner les stations de certains fonds de vallées pyrénéennes ou de "basse-montagne" où pour la première fois nos sorties ont donné lieu à très peu de trouvailles. Quelques semaines plus tard en altitude, la saison des morilles coniques a également tourné court et presque à vide...

Dans ce contexte, seuls les mousserons, bien que moins en vu qu'en 2023, ont rendu une copie honorable...

Des cèpes qui se font attendre...

Alors que le coup de chalumeau de la première quinzaine d'avril, coïncidant avec l'apparition des premières russules et d'amanites, laissait espérer un démarrage prochain du seigneur des beaux jours, les conditions fraîches et pluvieuses de la deuxième quinzaine et du mois de mai ont considérablement retardé sa venue, rendant l'attente encore plus fébrile après la saison 2023 que l'on sait... Finalement c'est avec un certain soulagement que les premiers furent accueillis, à partir du 10 juin, à la faveur d'une remontée des températures les jours précédents.

Par la suite, dans la traversée des mois de juin et de juillet, je ne boudai pas mon plaisir en constatant que sans renouer avec l'exubérance de certains étés récents, les bolets comestibles étaient nettement plus à leur avantage qu'au cours du précédent.

Un bon mois d'août pour dissiper les doutes...

L'occurrence d'un mois de juillet assez chaud, mais surtout nettement plus sec que les mois précédents, suivi d'une première décade d'août bien chaude et ponctuée par un pic caniculaire à près de 40°C le 11, aura vraisemblablement permis à la saison des cèpes de basculer localement et temporairement dans une toute autre dimension après la survenue d'un intense arrosage pluvio-orageux entre la soirée du 13 et la matinée du 14 août, secteur Salies et Sauveterre de Béarn (100 à 150 mm.) Dès le 21 août une pousse de cèpes se déclenche dans certains bois des environs et gagne très rapidement en intensité. Les cèpes poussent et foisonnent jusque sur le talus de petites routes très fréquentées et de nombreux automobilistes (dont certains amateurs de ma connaissance) fendent ces haies d'honneur sans les remarquer tellement 2023 les a sevrés du divin bolet. Cette pousse va durer 10 jours, le temps de faire mes conserves dans la plus grande discrétion, aidé en cela par le fait qu'à quelques hectomètres de distance, parfois dans le même bois, de nombreux placiers et leurs habitués n'ont pas vu le moindre cèpe. Les bas-fonds, les plaines, beaucoup de versants nord (dont certains excellents à l'accoutumée) n'auront pas vu un chapeau marron de la saison quand les bois de crête et bien exposés auront fait montre de dix jours de folie. Avant que la pluie, qui ne nous a jamais lâchés après le 15 août, ne remette tout le monde au même régime d'indigence absolue, décourageant jusqu'aux Marteroets pourtant réputés hygrophiles, qui sont apparus timidement à la mi-septembre mais dont les dernières trouvailles n'ont pas dépassé le 10 octobre pour ma part.

Malgré quelques tentatives héroïques de redémarrage jusque début-novembre, notamment sur les bordures surélevées et ensoleillées, cette pousse de cèpes n'a pas eu de suite et les oronges dont on a pu trouver quelques forts beaux exemplaires en assez grand nombre n'ont pas survécu au 20 septembre. Les espèces thermophiles ont été très rares en 2024, à commencer par les bolets bleuissant rondouillards et les excellents bolets appendiculés n'ont pas poussé dans tous les placiers que je leur connais.

Sur la remarquable disparité de cette pousse (et dans une moindre mesure de l'ensemble de la saison des cèpes,) je suis d'avis que quelque chose s'est joué entre le pic de chaleur caniculaire du 11 août et le déluge des 13 et 14. À ce moment-là certains écosystèmes, les hauteurs, les crêtes exposées, avaient commencé à basculer en stress hydrique (sans excès) et ces écosystèmes ont par ailleurs peut-être bénéficié d'un reliquat de pousse en attente de la saison 2023. En revanche, les bas-fonds, les plaines bordant les cours d'eau et de nombreux secteurs en versant nord commençaient à peine à sécher et à chauffer, or ce même apport d'eau les a définitivement replongés dans l'excédent hydrique chronique. À titre personnel je serais curieux de savoir ce que la saison des cèpes 2024 aurait donné un peu partout avec ces conditions modérément chaudes et sèches jusqu'à la fin du mois d'août et pourquoi pas, débordant en septembre (il a peut-être tenu à quelques jours ou semaines que la saison sourit un peu plus pour tout le monde.) Quoi qu'il en soit je suis nettement moins alarmiste que l'an dernier sur le sujet dans la mesure où je fus aux premières loges pour constater que dès que les cèpes ont été en mesure de pousser, là où les conditions pré-requises étaient réunies, ils ont poussé et pas qu'un peu...

 

Puisque les chiffres sont indispensables pour établir des comparaisons la levée de cèpes de la dernière décade du mois d'août m'a gratifié de plus de 500 bolets, c'est bien en deçà des poussées prodigieuses et assez récentes de 2020 ou 2022 mais c'est d'autant plus remarquable que jusque dans mes bosquets de comptage l'amplitude fut énorme entre quelques placiers qui ont délivrés pléthore de cèpes, d'autres (assez nombreux,) quelques uns mais loin de leur maximum observé, et d'autres enfin n'ont rien concédé de la saison. Sur ces seules dix dernières journées d'août, 2024 est très rapidement monté à la 7ème place du classement, mais l'indigence de l'automne ne lui a jamais permis de se rapprocher à moins de 100 spécimens des saisons qui la précèdent. À noter que ces dernières ont toutes réalisés plus de 50% des effectifs record de 2022...

La fièvre jaune...

Outre cette trop brève, disparate, mais localement spectaculaire pousse de cèpes de la dernière décade d'août, la rédemption de la saison 2024 tient à cette multiplication de girolles qui s'est emparée des sous-bois nord-béarnais dès la fin du mois de mai, sans jamais faiblir dans la traversée de l'été pour repartir de plus belle début septembre et culminer entre la deuxième quinzaine de ce même mois et la mi-octobre. Pour ma part je n'avais jamais dénombré autant de girolles dans mes coteaux malgré des décennies de prospection assidue. Il y en avait partout, jusque dans des bois où je n'en avais jamais vu. Réponse heureuse du mycélium à une belle saison exceptionnellement pluvieuse et modérément chaude, et pour l'observateur soucieux que je suis des équilibres naturels, motif de joie inespérée alors que jusqu'à ces dernières années tout donnait à penser que cette espèce était en régression.

Avec les fortes pluies de septembre les amateurs ont également pu goûter une fort belle pousse de trompettes de la mort, souvent dans les mêmes habitats et en compagnie des girolles, mais pas partout, si les craterelles ont foisonné dans certains bois, notamment en versant nord, d'autres pourtant à faible distance n'en ont pas vu une seule. La remarque vaut pour les pieds de mouton que l'on rencontre encore par endroit en ce début janvier.

Un arrière-automne sur les chemins de crêtes...

 

L'extinction des girolles et des trompettes après la mi-octobre, précipitée par les pluies diluviennes qui n'ont faibli qu'après la Toussaint, a sonné le glas de la plupart des espèces connues de ma campagne béarnaise. Même les plus hygrophiles ont accusé le coup et des champignons très appréciés comme les Têtes de Moine et les Hygrophores des prés ont déserté les bas-fonds et les plaines saturés pour se réfugier dans leurs stations tout en haut des collines sur les lignes de crête, au dernier soleil... Reproduisant à l'identique cet étonnant contraste observé au mois d'août à l'occasion de la pousse des cèpes.

 

À l'heure où j'écris il est bien trop tôt pour aborder les conséquences possibles de cette année 2024 exceptionnellement pluvieuse sur la saison fongique qui s'ouvre à nous. Surtout que, à l'instar de ce qui s'est passé au mois d'août dans mes terres, tout indique que les situations les plus mal embarquées voire désespérées peuvent très vite évoluer favorablement (ou défavorablement) dans ce domaine. Ce qui me semble certain c'est qu'une longue période sans pluie ne serait pas de trop pour que les sols absorbent les excédents de surface avant la fin de l'hiver et le début de la saison des morilles... (Sans négliger qu'un peu de soleil nous ferait grand bien.)

Adishatz !

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