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Le Blog de Cristau de Hauguernes
2 décembre 2024

Saison des cèpes 2024 : les passions tristes

Adishatz,

Depuis combien de jours en fait, avons-nous dépassé les bornes de l'espérance raisonnable ? Mon dernier message, au grand tournant de la Toussaint, est resté lettre morte parmi les feuilles dans nos bois. Non seulement la pousse de Marteroets que nous espérions tous n'a pas eu lieu, mais bien pire, à l'heure où je m'adresse à vous, l'immense majorité d'entre nous n'a pas vu le moindre cèpe de Bordeaux cette année. Indigence rarissime dans les sylves gasconnes depuis que les girolles, pourtant si en vue jusque là, ont tiré leur révérence début octobre. Les pieds de mouton restent introuvables en de nombreux endroits et les espèces les plus tardives et hygrophiles, les Têtes de Moine et les Hygrophores des prés, souvent contemporaines des Marteroets, restent très rares pour l'heure, se montrant uniquement et en très petit nombre sur les bords de routes et de chemins de crêtes ensoleillés tandis que les bas-fonds qui sont leur place forte à l'accoutumée sont désespérément vides.

Pour en revenir aux seuls cèpes, finalement, mes dernières trouvailles, qui se comptent à quelques unités, remontent à la mi-novembre et curieusement il s'agit surtout de cèpes d'été. En effet, malgré un premier tour de piste (très modeste) de la mi-septembre au 10 octobre, les Marteroets ne sont jamais ressortis en novembre qui est habituellement le mois optimum de leur saison. Et nous avons, hélas, tout lieu de penser que cette situation ne s'améliorera au mieux qu'à la marge d'ici la fin de l'année. Si amélioration il y a...

Ce triste constat étant posé il importe désormais d'avancer quelques hypothèses pour expliquer un tel naufrage. Que s'est-il passé entre la mi-septembre et ce mois de novembre en déroute pour que les cèpes de Bordeaux mangent à ce point leur chapeau ? Longtemps, quelque peu aveuglé par cette espérance (parfois déraisonnable) d'en trouver malgré tout, qui est inhérente à la passion, j'ai mis ce retard au démarrage sur le compte des températures de sol redevenues trop élevées pour les Marteroets dans la traversée du mois d'octobre et jusqu'en première décade de novembre. La rareté des amanites tue-mouches, aux écosystèmes et modes de vie très proches, et qui d'ailleurs ne se sont également pas remontrées depuis le 10 octobre, me confortait dans cette hypothèse où l'espoir faisait son nid. Or depuis, ce facteur a évolué très favorablement et les placiers sont restés désespérément vides. Tant et si bien qu'à l'aube de ce mois de décembre la scène du crime semble figée.

Que le facteur températures des sols semble hors de cause n'innocente pas les conditions climatiques, loin s'en faut. De la deuxième quinzaine d'août aux derniers jours du mois d'octobre, presque sans répit, mon coteau de Salies a réceptionné près de 650 mm de pluie. Si l'on ajoute un ensoleillement déficitaire freinant l'assèchement superficiel et réduisant l'évaporation, nos sols étaient saturés dès le début du mois d'octobre (époque où les quelques cèpes thermophiles qui s'essayaient encore ont abdiqué) et un mois de novembre moins pluvieux (100 mm) et passagèrement plus ensoleillé n'a jamais été en mesure d'améliorer cette situation dans un contexte où pour l'instant la moindre goutte de pluie est de trop. Nous avons de bonnes raisons de penser que c'est cette pluviométrie exceptionnelle qui a fini par décourager le mycélium des Marteroets (et celui de ses cousins) dans le courant du mois de novembre.

Un scénario d'autant plus rageant qu'à plusieurs reprises, ces dernières semaines, j'ai pu voir le sol de mes meilleurs placiers se couvrir de feutrage mycélien après quelques journées sèches, ensoleillées et relativement douces. Avant qu'un nouvel arrosage, fût-il modique, ne vienne immanquablement enrayer le processus. Signe que le mycélium a tenté en vain de remettre le métier sur l'ouvrage.

Si la responsabilité de ces excédents pluviométriques ne fait guère de doute, l'absence de stress hydrique significatif sur les écosystèmes durant la belle saison doit être regardé comme un autre facteur limitant potentiel, quoique secondaire, quand on sait que le mycélium du Marteroet, comme celui des autres cèpes semble réagir plus vigoureusement aux périodes de sécheresse et de chaleur estivales qu'aux belles saisons plutôt humides et sans chaleur excessive.

Pour les quelques semaines qui restent je me garderai bien d'enterrer l'affaire, si mal engagée apparaisse-t-elle. Après des années à nous extasier dans les bois parfois jusque début-janvier devant quelques chapeaux émergeant de la feuillée, nous voici revenus (au moins temporairement) à des temps qu'on croyait révolus (pourtant pas si lointains) où tout s'arrêtait peu après la Toussaint. En l'état, même si tout invite à raccrocher (il le faudra bien si le froid s'en mêle sérieusement la semaine prochaine,) que pourrions-nous trouver de plus réjouissant que quelques jolis Marteroets ressuscités au temps de Noël ? Jet de lumière inespéré après cette interminable douche froide...

Adishatz !

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