Rencontres mycophiles tachenonsiennes en Alsace 2018 : épisode 4, Morilles de premier plan...
Adishatz,
Un repas sauté à l'unanimité et une longue nuit de sommeil ne furent pas de trop pour récupérer un peu des festivités de la veille. Au petit matin, pour notre avant-dernière journée alsacienne et notre dernière incursion dans cette belle ligne bleue que sont les Vosges vues de Strasbourg, notre ami Philippe, connu sur le forum sous le pseudo de césar21 (en raison de son faible pour l'oronge, amanite des césars) nous attendait dans le Haut-Rhin pour nous faire découvrir un peu de ce territoire où il aime tant se ressourcer et quelques unes des merveilles qui le peuplent.
Après une assez longue route d'approche jusqu'à Colmar, rendez-vous était fixé à la sortie de la localité de Soultzmatt ("la prairie salée" en Alsacien, nom sans doute liée à une source salée) sur le parking du Paradis des Sources, sorte d'aménagement en libre service où les locaux et les initiés viennent s'approvisionner en eau minérale.
Placide et débonnaire, notre guide-accompagnateur nous fit bientôt sortir de la ville et mettre le cap sur son cimetière militaire roumain de la guerre 1914-1918, un peu perdu au milieu de grands bois. Occasion ici de rappeler que bien des étrangers sont morts pour la France.
Bien entendu, l'histoire n'était pas l'objet de cette halte. Très vite Philippe nous entraina d'un pas décidé vers des populations de grands pins poussés au milieu des bois et des prairies qui ceignent le cimetière. Où il nous fut donner d'admirer des gyromitres communes, gyromitra vulgaris, espèce printanière à la dégaine d'autant plus fascinante que sa dangerosité proclamée par la science est toujours l'objet d'un débat passionné. Je n'ai jamais vu autant de gyromitres dans les Pyrénées.
Un peu plus tard, Philippe, qui par delà les champignons cultive un réel intérêt pour la nature sous toutes ces formes, nous entraina vers la localité d'Osenbach ("le ruisseau des boeufs") et plus précisément d'immenses et magnifiques prairies à orchidées qui dominent sa vallée. C'est là que l'an dernier il avait découvert une station de l'assez rare orchis pale, orchis pallens, adossée à une haie de bordure. Pour cette fois d'orchis pâle il n'y avait point. Mais nous nous consolerons bien vite en repèrant quelques rosettes d'orchis brûlé, neotinea ustulata, et d'innombrables orchis bouffon, anacamptis morio, en début de floraison.
Cette petite promenade d'herborisation nous offrit aussi une vue imprenable sur les hauteurs des Vosges dominant Osenbach et sa vallée, magnifique panorama en dépit des lourds nuages gris et menaçants.
Le temps de rejoindre nos véhicules nous nous posâmes peu après à une table de pique nique non loin du village, où charcuteries et autres boissons alsaciennes et béarnaises firent bon ménage... Avec modération. Il faut vous dire que depuis belle lurette nous avions déniché dans le commerce quelques uns de ces délicieux gendarmes qui rappellent assez nos chorizos en beaucoup plus doux et à base de viande porcine fumée. Tout cela fut béni par l'eau du ciel des Vosges car la pluie s'est invitée à la fin du casse-croûte.
Après le café la petite troupe prit la direction de la vallée voisine de Münster, et plus exactement du village de Muhlbach sur Münster ("le moulin sur le ruisseau") car notre ami Jean Cyril alias Don Benvenuto y tenait de source sure la présence dans le talweg d'un ruisseau d'un coléoptère très rare et qui manquait à ses planches pourtant remarquables d'entomologiste. Chemin faisant le passage au sommet d'un col très lumineux car aéré où de grands chênes rouvres, quercus robur, poussaient au milieu des sapins, mit en alerte nos instincts de morilleurs, jamais totalement endormis.
Bien que très plaisante, la prospection du ruisseau de Muhlbach n'accoucha pas du coléoptère tant espéré mais je ne m'ennuyais pas un seul instant en immersion dans une ripisylve luxuriante d'où ressortaient ces dentaires pennées, cardamine heptaphylla.
Les grands esprits se rejoignant parfois sans éprouver le besoin de le dire, c'est par une randonnée intêressée au départ du col, dont nous nous amusâmes en convenant qu'il nous avait tous "tapé dans l'oeil" en début d'après-midi, que s'acheva cette magnifique journée vosgienne en compagnie de Philippe. Etonnant col où alternent de denses sapinières obscures et des bois clairs de gros chênes rouvres comme on peut en voir en vallée d'Ossau par exemple.
Et très vite, alors que nous nous engageions a biste de nas sur une des nombreuses pistes forestières qui partent de la route, Don Benvenuto et césar21 qui me devançaient étant plongés dans une conversation passionnante, une figurine familière aux cotes de velours attira mon regard dans l'herbe de l'accotement. Une de ces morilles coniques noires qui mettent du brillant aux yeux dans les livres de mycologie.
Ce fut le signal, dès lors tout le monde se mit à chercher, attention redoublée. Si bien que d'autres belles furent dénichées à quelques mètres, pour la plus grande joie de Philippe qui n'avait jamais prospecté ce col et qui avait sous les yeux ses premières morilles coniques haut-rhinoises.
Mais la palme du jour revient à Mathias, le plus jeune fiston de Don Benvenuto et déjà chercheur hors pair, qui dans un premier temps peina à en croire ses yeux lorsqu'il aperçut de loin en bord de piste cette morille conique exceptionnelle qui tient lieu de couverture à mon article.
Cette trouvaille fut la dernière de la journée. Par la suite, j'eus beau arpenter toutes les pistes au départ de la route pendant que le gros des troupes s'était arrêté à converser avec un jeune garde de l'ONF aimable et fort intéressant, les recherches demeurèrent vaines. Et peu après, un peu émus, nous prîmes congés de Philippe qui nous avait impeccablement accompagnés toute la journée et qui rentra à Mulhouse fort de nouveaux horizons fongiques à approfondir. De notre côté nous rentrâmes à Acheneim pour notre dernière nuit en Alsace.
Adishatz !