Saison des cèpes 2020 : Octobre explose les compteurs.
Adishatz,
Le mois d'octobre qui vit ses derniers jours restera gravé dans les mémoires de nombreux mycophiles. Si beaucoup retiendront le caractère exceptionnel d'une pousse qui d'ailleurs n'est pas encore terminée, les conditions préalables à sa survenue alimenteront d'interminables discussions.
Comme je l'ai écrit dans mon précédent article, l'occurence de pluies torrentielles très froides en provenance du Groënland est chose courante à partir de novembre où elle sonne d'ailleurs le glas des cèpes thermophiles, beaucoup moins en début d'automne, et après l'épisode du 24 au 26 septembre, celui, encore plus marqué du 2 au 7 octobre légitimait le plus grand scepticisme quant à la réponse du mycélium à de telles intempéries hivernales précoces. Pour tout dire nous ne savions pas, faute de précédent notoire.
Pourtant, dès le 1er octobre, les premiers bouchons s'ébauchaient dans mes placiers familiers, en petit nombre encore, ils étaient la progéniture des pluies orageuses modérées et douces intervenues du 18 au 23 septembre. Au cours des jours suivants, contre le déluge glacé qui n'en finissait pas cette première pousse prit lentement de l'assurance et je pestais contre les éléments qui, je le craignais, risquaient de tout stopper.
À ma grande surprise, et pour mon immense joie, les naissances de cèpes se démultiplièrent à partir du 7 octobre et le 9, lors de ma visite de courtoisie quotidienne à mes meilleurs bosquets il y avait tellement de jeunes sujets tout neufs que j'en conçus une vive émotion et mes comptages habituels méthodiques volèrent en éclat.
La vigueur initiale de la pousse était telle que celle-ci ne s'atténua légèrement qu'à partir du 20 octobre. À l'heure où je rédige, j'ai dénombré près de 850 cèpes dans mes petits bois depuis le 1er octobre, c'est sans équivalent depuis les mois de septembre 2006 et 1986 aux conditions beaucoup plus chaudes, 2011, autre millésime d'anthologie, ayant assis son lustre sur deux grandes pousses en juillet-août puis en novembre.
Les trois principales espèces de cèpes de plaine ont poussé de concert. Souvent je fus stupéfait par le nombre des individus dans certains placiers, qu'il s'agisse des aestivalis, des têtes noires ou des Marteroets, jusqu'à multiplier par quatre ou cinq les effectifs d'une saison normale.
Pour expliquer un tel phénomène il faut se tourner encore vers la climatologie. Jusqu'à mi-septembre le Béarn et la Gascogne n'en finissaient pas de transpirer et on a relevé 39 degrés à Saint Gladie par exemple. Comme indiqué dans mon dernier article, en première quinzaine de septembre seuls les cèpes noirs plus thermophiles parvenaient encore à se montrer un peu de façon très localisée tandis qu'une pousse exceptionnelle d'oronges dessinait des lignes, des cercles et des courbes dans tous les bois de mon secteur. Les sols étaient tellement chauds que les cèpes d'été avaient été mis hors course. Vous l'avez peut-être compris, c'est cette réserve de chaleur emmagasinée dans les entrailles de nos sous-bois qui nous a valu ce mois d'octobre historique car les épisodes de pluies hivernales n'ont fait que ramener la température des sols à des niveaux très convenables pour une pousse sans "noyer" le mycélium ce qui était un autre risque. Preuve en est d'ailleurs que vers la mi-octobre on a vu rejaillir quelques oronges auxquelles on ne croyait plus guère et que ces dernières s'enhardissent à l'approche de la Toussaint. Précisons tout de même que la distribution des cèpes dans les bois a été affectée par ces intempéries, les placiers les mieux exposés et qui donc avaient emmagasiné le plus de chaleur ont fortement tiré vers le haut l'ensemble de la pousse tandis que certains versants nord et bas-fond ont passé leur tour. À tel point qu'on est en droit de se demander ce que la saison 2020 serait devenue avec la même quantité de pluie mais plus douce en septembre-octobre...
Ceci étant dit il convient désormais d'envisager la suite et la fin de cette année fongique car le tourbillon en cours nous ferait presque oublier qu'en théorie, on peut encore trouver des cèpes jusqu'au Nouvel An. On peut raisonnablement estimer qu'à quelques unités près, après l'extinction de la pousse actuelle nous ne reverrons pas les cèpes noirs et les cèpes d'été avant 2021, d'une part parce que leur mycélium devrait sortir exsangue de cette session et d'autre part parce que les conditions lui sont généralement moins favorables après la Toussaint. Dans tous les cas les Marteroets devraient à nouveau faire parler d'eux, au moins en novembre car l'arrière-automne est leur saison préférée. La question que je me pose étant de savoir si nous aurons simplement le plaisir de trouver quelques jolis cèpes de Bordeaux sporadiques au cours des prochaines semaines, dans la mesure leur mycélium n'a pas non plus ménagé sa peine au cours des dernières semaines ou si une nouvelle véritable pousse adviendra. Je ne manquerai pas de vous en reparler.
Adishatz !