La saison des champignons 2023
Adishatz,
À vivre des saisons haletantes et pleines depuis l'aube de ce siècle, sans connaître les déconvenues des années SANS, on commençait à s'habituer à l'idée que la chose n'adviendrait plus jamais, surtout pas dans la foulée d'un exercice 2022 qui avait pulvérisé tous les records, du moins pour ce qui est des cèpes, et donné pleine satisfaction concernant la plupart des autres espèces populaires. De ce fait c'est en toute confiance qu'au début de l'année j'ai acheté un nouveau carnet afin de remplacer au pied levé celui sur lequel je consigne toutes mes infos de cueillette saison après saison car je considérais que les pages qu'il restait à noircir sur ce dernier ne suffiraient pas à tout contenir...
Les morilles en détresse absolue...
Et pourtant... Malgré un hiver correct, janvier et février caractérisés par de nombreuses gelées parfois sévères et quelques périodes de froid modéré, les morilles ont donné un premier coup de semonce. Apparues plus tardivement que les années précédentes, dans les tout derniers jours de mars, elles furent bien plus rares qu'à l'accoutumée à basse altitude, mon décompte s'arrêtant à 11 spécimens dans ma morillère d'observation le 20 avril tandis qu'elles étaient quasiment introuvables au bord des gaves. En altitude la saison des morilles coniques connut un démarrage plus prometteur en deuxième quinzaine d'avril mais un début de mois de mai plus chaud a rapidement eu raison de ces bonnes résolutions. D'une manière générale, il est à craindre que les morchellacées, dont les effectifs tendent à diminuer au fil des années, n'aiment pas du tout le nouveau climat de plus en plus chaud qui se dessine en France et que les régions de plaine en voient de moins en moins la couleur au fil des prochaines saisons...
Finalement, des grands printaniers, seul le mousseron s'est fendu d'un millésime honorable, mais moins que l'an dernier, entre la fin du mois de mars et le début du mois de mai.
Les effectifs de cèpes thermophiles en chute libre...
Avec l'arrivée des premières journées de chaleur et des premiers orages dès la fin du mois d'avril, comme il se doit, toutes les attentions des connaisseurs se reportèrent vers les sous-bois, dans l'attente des chapeaux roux. Très vite il fallut déchanter, si la date de trouvaille de mes premiers cèpes d'été, un 24 mai, reste correcte, l'entame de saison fut beaucoup plus laborieuse et pingre que les précédentes malgré des conditions climatiques plus que convenables. L'apparition de quelques beaux cèpes noirs, le 27 juin, souleva un espoir qui retomba bien vite. Sans attendre la fin du mois de juillet il m'apparaissait déjà que sauf retournement de tendance induit par une éventuelle période de sécheresse et de canicule, la grande saison de ces espèces serait au mieux médiocre...
Il y eut bien une ébauche de démarrage de pousse début-septembre ou encore début-octobre, aboutissant de façon extrêmement localisée (un ou deux placiers,) à des formations spectaculaires d'aestivalis, mais curieusement, ces levées de lisières ne gagnèrent jamais les sous-bois, demeurés quasiment francs de cèpes thermophiles à quelques spécimens près, y compris en novembre et début-décembre.
Avec 105 bolets sur mes seuls petits bois historiques 2023 réalise moins de 8% du total faramineux de 2022 et devient la plus piètre saison de ce premier quart de siècle.
Les girolles méritaient mieux...
Dans ces conditions d'un été modérément chaud et assez pluvieux, les girolles ont bien tenté de redonner un peu de lustre à une saison mal engagée. De juillet à septembre, puis en octobre et novembre, on les a vues se déhancher à la moindre averse pour tenter de prendre un peu de hauteur et de volume. Mais, et ce fut ma grande surprise, sans jamais réellement y parvenir...
Les oronges en service minimum...
D'une manière générale les espèces symbiotiques furent très rares cette saison, plus que les saprophytes. En bonnes amanites les oronges n'ont pas dérogé à cette tendance, encore que j'ai pu observer des populations d'amanites vineuses, d'amanites panthères, d'amanites phalloïdes et de citrines sur le retour en novembre et même début décembre. La favorite de César pour sa part, s'est montré à l'unité avant le 14 juillet, puis un peu plus franchement en août. Mais ce sont surtout les conditions sèches et chaudes du mois de septembre et de la première quinzaine d'octobre qui ont donné à cette espèce délicieuse de s'enhardir quelque peu. Sans qu'on puisse jamais parler de grande pousse contrairement à 2020 par exemple.
Le retour du roi...
Finalement, alors que les fortes pluies intervenues à partir de la mi-octobre n'ont accouché que de très rares cèpes thermophiles, au paroxysme d'une attente d'autant plus fébrile que je misais tout sur lui depuis le mois de juillet, le roi Marteroet dont les saisons 2021 et 2022 avaient été très décevantes, a opéré un retour époustouflant dans les premiers jours du mois de novembre. Jamais je n'aurais imaginé voir un jour autant de cèpes de Bordeaux dans mes terres grandement dévolues aux aereus et aux aestivalis. Surtout en l'absence de ces derniers...
La saison a soigné sa sortie...
Pour si spectaculaire que fût leur pousse, les valeureux Marteroets n'ont pas joué les prolongations, en perte de vitesse rapide après le 20 novembre et chassés de l'avant-scène début-décembre par les précipitations excessives de cette arrière-automne. Fort heureusement, d'autres espèces tardives ont su tirer profit de ces pluies diluviennes et il s'en trouve encore au moment où je rédige cet article, les clitocybes géotropes ou "têtes de moine," les hygrophores des prés et les pieds de mouton qui après un démarrage très poussif sont bien présents actuellement. On m'a également signalé une pousse en cours de trompettes de la mort, mais pour l'heure je n'en ai pas vu une seule...
La saison 2023 s'achève donc mieux qu'elle n'avait commencé et ces dernières semaines nous ont enfin apporté quelques motifs de satisfaction et d'espérance. Toutefois je ne vous cacherai pas qu'il me tarde d'arriver au mois de mars pour observer le comportement des morilles après ce millésime bien inquiétant, et dans la foulée, en mai où les premiers cèpes d'été seront attendus de pied ferme...
Adishatz !