Saison des cèpes 2023 : si ce n'était qu'une question de pluviométrie...
Adishatz,
Les averses torrentielles froides qui s'abattent sur la Gascogne en ce début novembre ont enterré mes derniers espoirs, certes infimes, de revoir quelques rares cèpes thermophiles en cette année définitivement sinistrée. Depuis mon dernier article bien plus de jours ont passé que je n'ai vu de cèpes dans mes bois. Les 45 mm de pluie tombés entre le 21 et le 23 septembre qui en temps normal auraient déclenché une jolie petite pousse ne m'ont valu qu'une dizaine de bolets tout au plus. Depuis le 14 octobre, malgré tous les efforts déployés et les kilomètres parcourrus il ne m'a plus été donné de trouver le moindre cèpe.
Cette saison d'une indigence rare, et à bien des égards intrigante, affecte la quasi totalité des espèces dans mes terres, les symbiotes comme les saprophytes. Seules les oronges qui se montraient encore un peu avant le 20 octobre et les girolles que l'on peut trouver ces jours-ci à la faveur des pluies abondantes se sont fendues d'un automne honorable.
Autant vous dire que c'est sans trop d'illusion que j'ai accueilli le retour de ces mêmes pluies depuis 15 jours. Car contrairement à une théorie très en vogue dans le petit microcosme des mycophiles, j'ai éprouvé depuis longtemps que l'intensité des pousses de cèpes et même de saisons toutes entières n'était pas indexée sur les quantités de pluie recueillies dans les pluviomètres, certaines années s'étant avérées de bout en bout une véritable foire aux cèpes en dépit d'une pluviométrie modeste. De mon point de vue la quantité d'eau qui tombe avant le déclenchement d'une pousse est un facteur très important, qui pourrait le nier, mais il ne fait pas tout. J'y vois plutôt un coefficient multiplicateur d'un réflexe vital ou stimulus reactio dont la nécessité serait accusée par un parcours plus ou moins semé d'embûches et qui a débuté bien avant. L'occasion m'est donnée ici, de rappeler aux oublieux, à tous ceux qui veulent s'enticher de l'air du temps, que l'abondance des cèpes témoigne avant tout de la souffrance passée et parfois présente du mycélium, leur rareté dans des conditions climatiques favorables attestant plutôt sa quiétude et bonne santé, par temps désespérément sec, son empêchement. Les pluies intervenues dès le début de la dernière décade d'octobre étaient largement suffisantes à faire lever quelques cèpes noirs ou cèpes d'été à l'approche de la Toussaint. Mes sorties terrain, dans un délai raisonnable (6 à 10 jours,) ont très vite établi que rien ne se déroulait comme en temps "normal" : aucun affleurement mycélien précurseur et à fortiori aucun cèpe miniature dans mes meilleurs placiers malgré les 150 mm tombés depuis la mi-octobre. Aucun champignoncule d'ailleurs. Certes, sans les abats d'eau torrentiels et froids de ce début-novembre on pouvait encore raisonnablement espérer trouver deux ou trois aereus et aestivalis miraculés, mais de toute évidence aucune pousse d'ampleur n'était en préparation.
Reste que, et c'est là où réside l'ultime suspens et notre ultime espoir, j'ai bien observé des traces d'affleurement mycélien assez nombreuses... dans mes rares enclaves à cèpe de Bordeaux. Je vous en ai parlé dans mes derniers articles, la biologie de ce cèpe diffère de celle de ses deux cousins de plaine, il est moins thermophile, donc plus tardif, les giboulées de novembre et les gelées blanches ne le rebutent pas, même si point trop n'en faut. En outre ses deux dernières campagnes automnales furent terriblement décevantes dans les plaines gasconnes, aux antipodes de ses confrères. Je reste donc sur l'idée que ce cèpe pourrait sauver l'honneur de la saison 2023, même si pour l'heure je dois avouer qu'il se fait attendre... Après, on peut toujours rêver d'un beau bouquet final des espèces de fin de saison, les pieds de mouton, trompettes, têtes de moine et autres hygrophores des prés.
Adishatz