Saison des champignons 2022 : les cèpes réfugiés climatiques au Bartàs...
Adishatz,
En fin de semaine dernière, au départ de ma randonnée de santé quotidienne, descendant les sentiers qui longent le fond de mon terrain, je m'arrêtai à la vue inédite de nos petits cours d'eau à sec. Alors que je suis entré dans mon second demi-siècle jamais sécheresse n'avait poussé si loin la malice. Pas plus celle qui avait sévi du mois d'août 1988 au mois d'août 1990, torride, que celle de l'été 2003 et son mois d'août tératologique. C'est dire l'extrême gravité de la crise climatique en cours et la saison des champignons qui en résulte peine à faire diversion.
Les cèpes retardataires de la très belle pousse intervenue en première décade de juillet se sont défilés bien avant le 14, balayés par la canicule intraitable qui a repris ses quartiers à partir du 9. Il y a eu très peu d'oronges et le coeur de l'été s'est avéré d'une indigence fongique rare tandis que les sylves béarnaises, habituellement si luxuriantes à la belle saison, se matinaient de roux.
Les orages et averses de la semaine du 15 août, très inégaux, ont permis le redémarrage d'une activité fongique un peu partout dans un rayon de 15 km autour de mon domicile. Mais presque toujours il s'est agi de bolets thermophiles bleuissants et d'amanites solitaires et à pierreries. En oûtre, sauf exception ces espèces ont investi (parfois de façon spectaculaire) les veines de cours d'eau, les fonds de coteaux et les Barthes, autant d'écosystèmes caractérisés par une moindre sensibilité à la chaleur et une plus grande propension à retenir l'eau. Et c'est aussi dans ces écosystèmes particuliers qu'il m'a été donné de rencontrer un ou deux cèpes noirs, là où le cumul de précipitation avait été trop faible pour permettre une pousse, fût-elle faiblarde.
La radioscopie que je me suis efforcé d'établir vaut pour l'immense majorité de mon territoire de prospection. Cependant, quelques secteurs ont bénéficié d'un arrosage beaucoup plus conséquent (supérieur à 40 mm), notamment au cours de l'épisode orageux du 17 au 19 août, attesté par les cartes de relevés qu'on peut trouver sur le Net. Ce qui a permis une très belle pousse localisée de cèpes, essentiellement des têtes noires, dans les derniers jours du mois d'août. À l'instar des espèces thermophiles dont j'ai parlé ci-dessus, la très grande majorité de ces cèpes est venue dans les fonds les plus ombrés, humides et frais, plantés de gros chênes et tapissés de fragon, mais quelques uns, parfois en troupes denses, sont sortis plus haut au bord des chemins et parfois en bordure des parcs arborés des habitations. Début septembre, alors que cette pousse déclinait, les oronges ont tenté de prendre le relais des cèpes, donnant lieu à quelques jolies trouvailles, mais elles sont restées beaucoup plus discrètes qu'à la fin de l'été 2020 par exemple.
L'orage tumultueux du 29 août, qui a sectionné tant de branches et abattus de nombreux arbres, malgré ses 22 mm dans mon pluviomètre, n'a accouché que de très rares cèpes et oronges, toujours dans les mêmes écosystèmes, et n'a en rien infléchi l'été catastrophique des girolles que la grande sécheresse rebute plus que tout.
Depuis une bonne dizaine de jours la rareté est redevenue la règle presque partout dans mon secteur et les champignons, fussent-ils sans intérêt culinaire ou toxiques, sont presque introuvables, à l'exception des lactaires zonés qui sont des inconditionnels des fins d'été arides et poussiéreuses.
Concernant la suite et la fin de la saison le facteur prépondérant sera la pluviométrie. Ce n'est pas un scoop, la quantité de précipitations déterminera la teneur de la pousse et plus les sols surchauffés cumuleront de pluie plus les conditions seront réunies pour un millésime au-delà de l'exceptionnel.
Ceci étant posé nous pouvons dégager quelques scénarios majoritaires et la réalité apportera ses nuances. Le pire étant celui d'une poursuite de la sécheresse et une absence de pluies suffisantes avant l'arrivée de l'hiver, ou bien l'arrivée d'un froid précoce, sévère et castrateur avant le retour des bonnes pluies tant attendues. Et le meilleur se basant sur la survenue de pluies abondantes ces prochaines semaines ou dans le courant du mois d'octobre. Surtout qu'avec le réchauffement climatique la tendance est à une arrivée de plus en plus tardive des premiers frimas en novembre, ce qui laisse amplement le temps aux pousses de Toussaint d'aller à terme.
Sans minimiser la possibilité d'un scénario intermédiaire et forcément un peu décevant à la 2015, qui verrait un retour de la pluie dans les temps mais en quantité insuffisante pour subvenir à une pousse d'envergure alors que le potentiel est bien là.
Pour l'heure, l'option météo majoritaire, je suis les actualisations à chaque sortie, est celle d'un déblocage prochain de la situation, de bonnes pluies surviendraient à partir du samedi 24 septembre et ouvriraient la porte à la pousse tant attendue. Un bon mois plus tard, nous assisterions donc à la répétition en plaine du scénario en cours un peu partout dans les Pyrénées où les orages de fin d'été ont permis une multiplication de cèpes ces dernières semaines. Une légère incertitude reste de mise concernant les Marteroets et les espèces tardives, moins thermophiles (trompettes, pieds de mouton, tête de moine, chanterelles, etc), si les sols, à force d'abats d'eau et de nuits fraîches, peuvent baisser très vite en température, cet été ils sont montés si haut qu'il n'est pas exclu que nous ayons à patienter quelques semaines de plus pour voir les disques luisants des cèpes de Bordeaux.
Quoi qu'il en soit, à l'heure où je rédige l'article tout invite à l'optimisme. Par contre, concernant le climat, franchement, on est dans la merde !
Adishatz !