Randonnée au lac du Montagnon d'Iseye
Adishatz,
Les férus de culture locale savaient depuis longtemps que le village d'Aydius n'était pas à vendre. L'auteur aspois, André Eygun (1921 - 2010) n'avait laissé aucun doute sur le sujet lorsqu'il commit sa pièce de théâtre en béarnais, Aidius n'ei pas a véner. Depuis ce printemps quelques infortunés ont payé pour apprendre que circuler en voiture aux abords de cette commune à certaines heures peut même coûter très cher. En effet, un arrêté municipal a prévu une amende de cinquième classe pouvant aller jusqu'à 1500 euros applicable à tout automobiliste empruntant la piste conduisant au départ de la randonnée du lac du Montagnon d'Iseye après 9 h du matin, où il est vrai que tout croisement de véhicule est le plus souvent impossible. Preuve s'il en était besoin que les mesures adoptées au plan national dans un cadre et un contexte bien précis, ici la pandémie, peuvent, comme assez souvent servir à toute autre chose.
Autant vous dire que c'est à l'heure du laitier que la fine équipe progressa sur la petite route étroite et chaotique qui contourne la localité de ce recoin de la vallée d'Aspe pour remonter le talweg du ruisseau des Arques. La randonnée pédestre démarre peu après un pont sur le cours d'eau au lieu dit Bérangueil. Les premiers hectomètres sont assez raides, mais sans excès, ils traversent le très joli bois de Sarsiat au son des torrents. Nous cheminons en compagnie d'autres groupes, notamment des jeunes car cette ascension est très en vogue depuis que Yann Arthus Bertrand a exposé ce lac en forme de coeur au plan national dans un numéro de La Terre vue du ciel.
La lisière du bois de Sarsiat marque l'entrée dans la lande étirée du Barca. La pente est moins raide mais un simple coup d'oeil dans le lointain donne à comprendre que le sentier est encore bien long. Cet écosystème pyrénéen typique est peuplé de bruyères, d'arbrisseaux nains avec par endroit quelques îlots de sapins et de bouleaux. Son caractère très acide a favorisé l'implantation d'innombrables dactylorhizas tandis que les randonneurs vont butinant de réconfortantes myrtilles dont les buissons foisonnent.
Au fur et à mesure que l'on progresse vers la cabane de Cure det Can, la vue se dégage sur les sommets environnants, derrière nous le Mailh Massibè et le Pic Montagnon dominent Aydius, sur notre gauche le fond de Laruns et Gourette. Autour de nous la lande opère sa mue, les îlots de bouleaux et de sapins ont quasiment disparu, les massifs de bruyère et de myrtilles ont fait place à de belles stations de gentiane jaune et d'iris des Pyrénées.
La portion la plus ardue de la randonnée commence peu après le col de la Taillandière. Quand le sentier s'élève sur la droite pour accéder au lac entre deux mamelons. Quelques dizaines de mètres assez raides mais surtout impossibilité de passer outre des éboulis instables. Avec un minimum d'attention et sans que cela nécessite aucunement des talents d'alpiniste on passe le cap sans dommages et l'effort en vaut la peine car quelques dizaines de mètres plus loin, le lac apparaît dans son écrin de verdure et de rocs.
Les abords du lac, et à fortiori les sommets qui le dominent, offrent une vue imprenable sur la vallée d'Ossau, depuis les villages blottis tout en bas jusqu'à la haute vallée, de Gourette au massif de Sesques que l'on voit juste en face, de l'autre côté des Gorges du Bitet, en passant par le Joan Pèir qui s'impose presque trop facilement dans le paysage.
Le temps de partager un pique nique au cours duquel nous dissertons entre autres de la forme du lac, qui varie en fonction du point d'observation, nous partons inspecter les prairies marécageuses qui s'étendent sur des centaines de mètres en contrebas et où paissent des chevaux. Jusqu'à ce que de grandes falaises nous barrent la route, dévoilant les paysages aussi sauvages que magnifiques du fond de Besse et de l'Arrioutort à nos pieds.
L'exploration des grandes prairies vaudra plus par la beauté des fleurs que par la rareté des espèces. Outre les chardons bleus et les iris, omniprésents, quelques pieds de nigritelles, une ou deux platanthères retardataires et de discrètes colonies de pensées cornues pour l'essentiel. Nos efforts étant tout de même récompensés par la découverte d'une petite station d'aster des Alpes sur un escarpement herbeux.
Puis, le temps d'admirer une gentiane de Burser, il fallut se résoudre à redescendre, par le même itinéraire que le matin. En passant sur l'herbe rase il est possible d'éluder la partie la plus technique, sorte de toboggan dans le roc décapé par des milliers de grolles, mais l'étroit couloir des éboulis reste incontournable quelques mètres plus bas. Il faut alors solidement ancrer ses pas dans les cailloux et le fait de croiser des groupes en pleine ascension ajoute à ces petites minutes de fébrilité. Finalement, la randonnée se déroulant dans un très bon esprit, ce passage est surtout prétexte à lier connaissance et rire un peu.
Très souvent réduite à la forme du lac et accessible au plus grand nombre, la randonnée au Montagnon d'Iseye vaut au moins autant pour la beauté des paysages environnants et ses richesses naturelles, notamment botaniques. Outre le petit passage délicat sous Lescala, il faudra impérativement penser à recharger les gourdes et les thermos à la fontaine de la cabane de Cure det Can car les sources en amont ne semblent pas très recommandables.
Adishatz !