Randonnée à Barlagne et Ichèus du 8 juillet 2020
Adishatz,
Dans la dystopie où le présent verse, si l'homme ne succombe pas en totalité à la somme des périls qu'il a mis en train, je veux croire que l'étincelle de vie rejaillira de quelque site enchanteur et haut perché des Alpes, du Massif Central, ou de nos si belles Pyrénées. L'altitude étant dans un futur plus ou moins proche envahie par des millions de réfugiés climatiques chassés des plaines par les intempéries dévastatrices, la pollution et la canicule meurtrières, sans oublier les virus dont les capacités de nuisance sont déjà décuplées par nos modes de vie aberrants.
Le 8 juillet à l'aube, alors que le Béarn des Arribères était encore vert et la chaleur respirable, j'avais rendez-vous avec des amis au col de Boesou pour partager une randonnée naturaliste aussi belle qu'exigeante à travers la forêt d'Issaux, le plateau de Barlagne puis les abords de la cabane d'Ichèus en redescendant.
La randonnée démarre peu après le pont de l'Arpet à l'intersection des routes de Lourdios, de La Pierre Saint Martin et de Lèes-Athas par une piste large mais de plus en plus raide taillée dans le roc par les forestiers. Qui offre un beau point de vue sur le Layens et le fond de la forêt. Bientôt nous débouchons au pied des immenses prairies étagées de Barlagne, dans un paysage de hêtres et de karst. Puis un chemin de traverse nous conduit vers le très beau plateau sauvage du Cournau, résidence d'été de chevaux et de vaches et dont la prospection constitue un des temps forts de la journée car il est très riche en orchidées, notamment épipactis.
La fouille du Cournau s'avérant vite vaine nous écourtons et reprenons l'ascension vers le Plateau de Barlagne par un couloir très raide car le chemin est encore long. Cet effort consenti à l'ombre nous permet de gagner plus rapidement la lisière de sapins qui flanque les prairies sur la droite. Espacées dans l'herbe grasse, quelques forts jolies nigritelles s'offrent à nos regards.
Puis, lorsque la sapinière conflue avec une bétulaie dense, vers 1550 mètres d'altitude, il faut se résigner à monter tout droit à travers la lande de pins à crochets en prenant soin de ne pas empiéter sur la zone de protection du grand tétras qui se trouve à gauche. Cette précaution nous vaut d'observer de vastes stations d'arnica des montagnes en pleine floraison.
Où cesse l'arnica la pente s'adoucit et l'horizon s'élargit. L'approche du faux plateau de Barlagne se marque par la traversée de grandes prairies d'altitude cernées par la lande de pins et souvent barrées par d'imposants affleurements karstiques qui sont autant de luxuriants jardins de rocaille. On dit que le Seigneur Rouge du Pic d'Anie y cultivait ses simples. Cependant il faut pousser jusqu'au point culminant de cette montagne pour s'offrir un panorama somptueux sur les sommets du massif de la Pierre Saint Martin, depuis les Tourelles jusqu'à la station, et goûter un casse-croûte bien mérité à l'ombre des pins.
Une sente judicieusement cairnée par quelques habitués et les bergers relie les falaises de Barlagne à la montée d'Ichèus à la Pierre Saint Martin en contrebas. Ce fut la phase la plus délicate de notre périple. En effet, dû à la montée très tardive des troupeaux le passage se perdait encore très souvent dans les herbes folles et chacun redescendit un peu au juger mais finalement sans encombre.
Entre Barlagne, les Tourelles et le rocher de l'Osque, la cabane de Camplong apparaît minuscule. Mais ses parages sont d'un intérêt majeur pour les naturalistes, de nombreuses espèces ayant élu domicile dans ses grandes barres calcaires. C'est à cet endroit que j'ai dénombré le plus de chardons bleus, eryngium burgatii, un des emblèmes des Pyrénées.
La descente vers la cabane d'Ichèus puis le col de Boesou s'opère en contournant la combe de Sent Hons, aussi splendide qu'impressionnante. Et c'est dans ses bois frais et humides que mon regard accroche sur deux pieds de néottie nid d'oiseau, neottia nidus avis, ce qui semble assez tardif pour cette espèce à une altitude avoisinant 1600 mètres.
Le temps de recharger les gourdes à la fontaine d'Ichèus nous traversons le somptueux plateau éponyme et dévalons dans la bonne humeur vers le col où nous avons stationné une voiture. Sur la droite, la plaine de Bedous s'étale de tout son long tandis qu'à gauche de magnifiques lignes de crêtes peuplées de hêtres et tapissées de mousse et de myrtille donnent à rêver de cèpes et de girolles.
Cette boucle sportive est à envisager avec énormément de précautions, par des connaisseurs. Il faut se munir de solides réserves d'eau car entre un abreuvoir en pierre, signalé par le piétinement des troupeaux juste au-dessus du plateau du Cournau et la fontaine d'Ichèus vous ne trouverez aucune source ce qui peut s'avérer dramatique par temps chaud. Ensuite la partie reliant la limite supérieure des sapins au plateau de Barlagne n'est pas balisée, il faut monter tout droit en se gardant des gouffres qui sont soit entourés de barbelés soit signalés par des bosquets de pins. On trouve assez facilement la sente pour redescendre de Barlagne à la cabane de Camplong pour peu que les troupeaux aient eu le temps de tondre. Ceci étant posé c'est une randonnée sauvage et de toute beauté.
Adishatz !