Rencontres mycophiles tachenonsiennes en Alsace 2018, épisode 2 : De la "Chatte pendue" à la panse tendue.
Adishatz,
Ceux qui viendraient ici en quête de récits paillards ou sanguinolents ne manqueront pas d'être refroidis. Bien plus que les béarnais, basques et gascons, les alsaciens aiment affubler leurs paysages familiers de noms concrets dont la traduction française s'avère parfois approximative, tout comme ils cultivent un certain art de vivre à travers leurs vins illustres et leur délectable cuisine paysanne.
Au petit matin, nous nous amusons quelque peu en constatant que le ciel d'Acheneim s'est totalement débarrassé de ces nuages et des pluies dont la veille nous avait donné à redouter qu'ils nous aient rattrappés. Et l'Alsace renoue avec un printemps aussi sec et chaud que celui de notre cher Béarn persévèrera dans la fraîcheur et l'instabilité. Le temps du petit déjeuner un cortège de véhicules se met en place dans la rue qui jouxte le gîte. Cette fois les épouses de nos accompagnateurs seront de la partie car le programme du jour consiste en une belle randonnée à travers les Vosges Bas-rhinoises du pays de Salm avec une halte restauration à la ferme auberge du Bambois.
La randonnée pédestre s'élance du Col du Prayé, vers 785 mètres d'altitude. Non loin de là, au bord de la piste, une jeune morille conique attire mon attention. Et tout le groupe de se mettre à scruter. Quelques autres mitres seront débusquées dans les parages, mais ce seront bien les seules de la journée.
Nous cheminons à travers les paysages somptueux des Hautes Chaumes, tantôt des couverts épais d'épicéas et de sapins perchés sur des crêtes, tantôt de vastes plateaux couverts de landes à bruyères où les conifères tentent de repousser après la tempête de décembre 1999, ainsi que me l'explique Alain (Gigi67).
Ces étendues dégagées offrent une vue appréciable sur une bonne partie du massif des Vosges et en tout premier lieu le Donon voisin, avec son antenne relai et surtout son temple.
Puis notre itinéraire s'incurve et au sortir d'un petit bois où nous nous arrêtons aux ruines d'une marcairerie (vieille bâtisse en granit dédiée à la fabrication du Münster), nous marquons une halte respectueuse et admirative devant un édifice remarquable, la cabane en pierres de Haute-Loge, perchée sur son dôme à 934 mètres, élue cabane préférée des français.
Avant d'attaquer la montée sévère à travers bois qui conduit à la "Chatte Pendue" ( la chète pentue ou pierre haute pendue en parler local), une courte descente nous donne une dernière fois de contempler les plateaux sauvages des Vosges.
Nous ne nous attarderons guère au belvedère de la Chatte Pendue car les estomacs commencent à nous tirailler et Alain a prévenu la propriétaire de la ferme auberge du Bambois que nous aurions un peu de retard. La descente est assez raide et nous changeons totalement de décors en quelques kilomètres. En effet, aux plateaux écrasés de soleil et accusant la soif succède un fond de vallée luxuriant avec de grasses prairies.
La ferme auberge du Bambois, à plus de trois kilomètres de la première habitation, soupire d'aise au creux d'un tel écrin de verdure. L'accueil y est des plus agréables et le repas aussi délicieux que copieux. Et très vite on se dit qu'on a été bien inspiré de brûler quelques calories dans les efforts matinaux. Après une entrée tout en charcuterie locale, on me sert une viande cuite exquise (il s'agit en fait d'épaisses tranches de jambon cuit, confit et fumé) accompagnée d'une poêlée paysanne consistante et tout aussi savoureuse. Le tout précédé d'une bonne mousse et accompagné des meilleurs vins d'Alsace. Et je n'attends pas le dessert pour réaliser que le bilan calorique du séjour en Alsace risque aussi d'être hautement positif pour les béarnais.
Après une courte visite à l'étable où de belles vaches vosgiennes à la robe marine roupillent en paix, le reliquat de l'après-midi est occupé à rallier le point de départ de la randonnée par les belles petites routes du pays de Salm. Un peu plus loin, l'instinct refaisant surface, nous inspectons les abords de l'étang du Coucou et ses tourbières. Seul un gyromitre me fera coucou.
Adishatz !