Sale temps pour les ascomycètes printaniers...
Adishatz,
Les nouvelles en provenance des ripisylves, à tout le moins celles du sud-ouest à très basse altitude, ne sont pas bonnes, c'est peu de le dire. Fort heureusement un hiver à la douceur gravissime nous avait prévenus du désert fongique. À cette date, et alors que la saison est inéluctablement trainée vers son terme par la marche des jours qui nous rapproche de mai, mes longues déambulations à travers les ripisylves du Nord-Béarn n'auront pas vu l'ébauche d'une verpe ou d'un morillon, juste quelques pézizes veinées beaucoup plus rares encore que ces dernières années vers la source des cours.
Ô comme il semble loin le temps, de ces fières années 2000, aux hivers beaucoup plus sévères, où l'on voyait par centaines, verpes coniques et mitrophores s'ériger en tourelles, parmi la ficaire, les carottes sauvages, les anémones sylvie tandis qu'à quelques mètres les venosa cernaient les frênes et les berges de leurs cercles denses.
Parmi les causes de cette défection, l'avènement d'hivers beaucoup plus doux après le terrible mois de février 2012 s'impose d'évidence. Je m'interroge aussi sur les méfaits d'un réchauffement climatique dont les statistiques planétaires inclinent à penser qu'il serait en phase de forte accélération depuis deux ans. L'élévation des températures globales n'est-elle pas en train de contrarier fortement, sinon de compromettre le cycle de ces espèces du premier printemps, lesquelles, contraintes par des hivers interminablement sombres et pluvieux (photopériode) et des printemps rapidement trop chauds, n'auraient ni le temps de développer convenablement leurs sporophores, ni la possibilité de s'adapter pour venir plus tôt ? Enfin, on ne saurait écarter l'impact de la pollution des sols, quand on sait que tout ce qui est émis en amont dévale et s'enkyste dans les ripisylves pour de très longues années. Même si sur ce plan les choses semblent s'améliorer depuis une quinzaine d'années, nous payons peut-être des décennies de laisser-faire inconscient au nom du productivisme et dont une conséquence visible est l'éradication presque totale des ascomycètes printaniers des berges de nos ruisseaux quelques centaines de mètres en aval de leur source, détail très significatif...
Dans ce contexte bien sinistre et alarmant, la seule consolation, mais de taille, tient dans la résistance des morilles. Lesquelles, après l'effondrement de leurs effectifs opéré au printemps 2011, tendent à se stabiliser, à des niveaux certes très bas (25 à 60 morilles annuelles dans ma morillère secrète contre jusqu'à 300 spécimens dans les années 2000), mais suffisants pour considérer que le déclin semble endigué, dans l'espoir d'hypothétiques saisons plus propices.
Les premières mitres sont apparues dès le 26 mars, on renoue donc avec la norme de la dernière décade de mars, après l'attente interminable qui m'avait tenu fébrilement jusqu'au 11 avril en 2015. Dans le contexte d'un mois d'avril plus instable et moins chaud sur le plan des températures, la pousse, bien que faible, a pu prendre ses aises sur toute la première quinzaine, les morilles utilisant à merveille les abris offerts par la végétation en avance contre les premières ardeurs du soleil. De sorte que j'en repérais encore de nouvelles, adultes, lors de ma dernière visite de courtoisie, dimanche.
À plus long terme, si le retour inéluctable de périodes hivernales plus froides devrait favoriser un regain, fût-il temporaire de ces ascomycètes printaniers, je ne vous cacherai pas ma plus vive inquiétude quant à la survie de ces espèces que le réchauffement climatique s'accélérant semble déjà chasser de nos plaines du sud-ouest. Et ce n'est pas le témoignage précieux d'un de mes voisins, qui me narrait dimanche, comment il trouvait jadis des morilles jusque sur les berges d'un ruisseau à un bon kilomètre de mon domicile qui infléchira à la hausse mes sombres pensées...
Adishatz !