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Le Blog de Cristau de Hauguernes
3 janvier 2016

Saison des champignons 2015 : l'exceptionnel tient souvent plus aux détails qu'aux chiffres bruts...

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Adishatz,

À l'heure où j'écris, la saison des champignons 2015 n'a peut-être pas encore fini de nous épater. C'est qu'après la grande douceur et l'extrême sécheresse du mois de décembre, le retour de la pluie en abondance, en l'absence de froid, pourrait favoriser l'avènement de quelques Marterouëts (boletus edulis) retardataires dans les places les mieux exposées.

Un printemps des mousserons en fanfare...

 

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Avant de nous attarder longuement sur les cèpes, dressons l'état des lieux des "Classiques du Printemps". La forte pluviométrie de mars, et sa douceur relative recouvrée, après un hiver assez froid et neigeux semble avoir revigoré les Mousserons pour notre plus grand plaisir, après quelques millésimes bien moroses et à bien des égards inquiétants. Pour ma part, je cueillais les premiers le 22 mars près d'une ferme de mes coteaux et les derniers le 3 mai, aux antipodes, dans une petite station fidèle mais plus imprévisible de par ses dates de production. Entre temps la place du 22 mars a produit à deux reprises ce qui atteste une activité certaine et je trouvai de gros spécimens début avril au même endroit qu'en 2014 en bordure d'une petite route des environs. Il convient de préciser que toutes mes places n'ont pas délivré de mousserons en 2015, certaines hélas ayant été détruites, à l'instar de "Cambòt", dont il fut longuement question sur ce blog, lors de travaux agricoles.

Ce printemps des mousserons fut également l'occasion pour moi de prendre mieux la mesure de l'implantation de l'espèce dans les faubourgs de Pau... Aux mousseronnières que j'avais répertoriées secteur Cours Liautey et présidence de l'Université de Pau est venue s'ajouter une petite nouvelle, très productive, au bout du parking de la faculté des Lettres, dans un carré de verdure.

Les morilles remontent la pente mais le compte n'y est toujours pas...

 

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Cela devient une fâcheuse habitude, depuis 2011 les pics de chaleur de la première quinzaine d'avril sont le désespoir des chercheurs de morilles du sud-ouest. Et pour ajouter à notre infortune, en ce printemps 2015, les belles ont joué avec nos nerfs, ne se montrant que vers la mi-avril. De mon côté, j'avais presque fait mon deuil de la saison, lorsque je trouvai mes premières, sur des places assez inhabituelles de ma petite morillère de plaine. Après avoir touché le fond en 2013 et surtout 2014, les effectifs sont en légère hausse même si avec 57 morilles dans cette place secrète on reste très loin des belles années. Il faut dire que la course de vitesse contre la chaleur était un peu perdue d'avance et que de nombreuses morilles n'ont sans doute même pas vu le jour.

Bientôt elles furent acculées dans les basses puis moyennes vallées des torrents de montagne avant de disparaître plus haut, mises en déroute par ces mêmes températures élevées qui gagnaient tous les étages. Mes cueillettes vers 400 mètres d'altitude peu après la mi-avril s'avérèrent bien moindres qu'en 2014 à la même époque et elles avaient déjà totalement disparu lorsque je tentais ma chance vers 600 mètres d'altitude dans les tout premiers jours du mois de mai.

Un printemps des cèpes qui entre dans l'histoire...

 

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La nature ayant horreur du vide, l'âme humaine cherchant bien vite à le combler, le pic de chaleur à 25, 27 puis 30° des 12, 13 et 14 avril, précéda de très peu l'arrivée du premier cèpe, frêle bouchon d'aestivalis, le 18 avril, sur la même allée de chênes et jusqu'au même tertre que son ancêtre du 23 avril 2014. À dire vrai je fus un peu surpris d'une trouvaille aussi précoce car le temps était resté bien frais, pluvieux jusqu'au 1er jour du mois, dans la continuité du mois de mars et on avait frôlé la gelée le 6 avril au matin. C'est dire si le mycélium devait être prêt à fructifier d'une part, et si le coup de chaud précité a dû grandement contribuer à l'élévation de la température du sol jusqu'au seuil d'activation ( environ 12°).

Cette précocité record n'était que le lever de rideau d'un improbable mois d'avril, lui-même précurseur d'un mois de mai étincelant avant que la fin du mois de juin et les tout premiers jours de juillet ne vinssent propulser la saison toute entière dans la légende.

Concrètement, les cèpes d'été se multiplièrent et gagnèrent de nouvelles places en dernière décade du mois d'avril, donnant au mois d'exploser ses records de productivité mensuelle et journalière. Jamais jusqu'à ce printemps 2015, je n'avais excédé les 10 cèpes au cours d'une journée d'avril. Malgré des précipitations modiques et une tendance à la sécheresse, la pousse gagna en intensité dans le courant du mois de mai. Vers le 13 on vit poindre les premiers cèpes noirs, nouveau record de précocité, plus de trois semaines d'avance sur une saison normale.

Entre le 15 mai et le 15 juin, à la faveur d'arrosages plus consistants, l'apparition de nouveaux cèpes tendit à se généraliser en une pousse qui eût fait blêmir de jalousie bien des automnes plus mal lotis. C'est à cette échéance aussi, que je fus maintes fois saisi d'émotion en actant la naissance de nouvelles places productives autour et jusque dans ma petite propriété, où les prochaines saisons s'annoncent passionnantes.

Une fin de mois de juin tout feu tout cèpes...

 

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Les très fortes pluies survenues entre le 9 et le 16 juin en Béarn ont favorisé une levée de cèpes considérable en dernière décade de juin et jusque dans les tout premiers jours du mois de juillet. Il s'agit de la plus importante pousse de cèpes observée au premier semestre depuis le mois de juin 1986. De fait ce fut une course contre la montre ou plutôt contre le temps et la canicule qui a sévi à compter du 30 juin. La première partie de la pousse, traditionnellement peuplée d'aestivalis est montée en puissance tout au long de la décade et on peut considérer que l'espèce a pu donner la pleine mesure de son potentiel. Il n'en fut pas tout à fait de même concernant les aereus, dont le processus démarre généralement quelques jours après celui du cèpe d'été (il faut que les sols se réchauffent) mais qui pour cette même raison a vu sa pousse quelque peu écourtée par les fortes chaleurs en première semaine de juillet. Cette pousse de cèpes fut assortie de nombreux bolets appendiculés, très peu voire pas d'oronges et de peu de girolles.

Malgré les fortes chaleurs le mois de juillet n'a pas totalement éteint la fougue des cèpes, quelques têtes noires héroïques se montrèrent encore çà et là bien après le 14 juillet dans les bois les plus épais et les bords de cours d'eau où subsistait un peu de fraîcheur. Et en fin de mois, avec le retour d'un temps plus instable et un peu moins chaud dès le 17, on vit nos braves reparaître un peu partout dans les bois en compagnie des girolles.

De fait, à peine ralentie par la surchauffe de début juillet, la pousse de cèpes, quoi que sporadique, n'a jamais vraiment faibli ni cesssé tout au long de l'été, regagnant même légèrement en intensité en dernière décade d'août après un passage pluvio-orageux plus conséquent (40 mm) du 13 au 15 août. Seul le retour de la canicule fin-août porta l'estocade à ce magnifique été en sous-bois.

Les girolles confirment, les oronges constellent les bois...

 

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Les cèpes ne furent pas notre unique motif de satisfaction fongique en cette année 2015. Malgré des conditions climatiques moins favorables (temps beaucoup plus chaud et plus sec), les girolles que j'attendais au tournant confirment leur formidable regain opéré en 2014, que ce soit de par leur productivité ou leur répartition dans les bois. On ne réalise pas les cueillettes pléthoriques de l'an dernier, mais cela reste nettement supérieur au résultat des 15 saisons précédentes. La pousse s'est amorcée en deuxième quinzaine de juillet et a persisté tout l'été avant de s'étioler lentement en septembre-octobre.

Après la vague de chaleur, les premiers oeufs d'oronges, très nombreux, sont apparus jusque dans les fentes de retrait des bois des coteaux béarnais en deuxième quinzaine de juillet. Plusieurs pousses de la belle amanite de César ont illuminé le mois d'août de leurs lanternes nombreuses, constellant certaines parcelles comme autant d'écloseries. Le retour de pluies plus significatives à compter du 31 août a généré une ultime pousse somptueuse jusqu'en dernière décade de septembre un peu partout en Béarn, même si cette dernière fut amoindrie et écourtée par des sols devenus bien trop froids...

Un automne fertile en rebondissements et autres contrariétés climatiques...

 

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L'incroyable revirement de configuration climatique et plus précisément le net rafraîchissement durable survenu dans le sillage du grand orage du 31 août a vraisemblablement coûté à 2015 une des trois premières places au classement des saisons de cèpes qui lui était promise. En réalité la pousse consécutive aux pluies, avant que les sols ne s'avèrent temporairement trop froids ne fut que très localement exceptionnelle en fonction des quantités d'eau réceptionnées, plus généralement faible à modérée quoi que durable, comme dans mes coteaux où les cumuls enregistrés étaient beaucoup plus faibles qu'en juin.

C'est dans ce contexte un peu décevant, eu égard aux grands espoirs levés depuis le printemps, qu'à ma grande surprise et jubilation, je trouvai les premiers Marterouëts (boletus edulis) dans les sylves environnantes dès le 15 septembre. Un peu plus de 15 jours après la fin de la canicule, qui l'eût cru ! En dernière décade de septembre et durant les tout premiers jours d'octobre, la pousse d'edulis fut époustouflante tandis que les deux thermophiles, aereus et aestivalis se firent beaucoup plus discrets.

La sécheresse de plus en plus drastique, la grande fraîcheur puis les premières gelées très précoces dès le 15 octobre n'arrangèrent rien à la chose. En deuxième quinzaine d'octobre et jusque début-novembre, dans les parterres de feuilles sèches, seuls quelques rares Marterouëts entretenaient la flamme d'une saison chavirée.

Puis, le 8 novembre au soir, comme je passai dans une place lumineuse rentrant de randonnée, mon regard accrocha sur une bosse caractéristique sous les feuilles. La soulevant j'avisai un splendide aestivalis. Ce fut le signal. Quinze jours après un passage pluvieux modiques suvenu le 24 octobre, les cèpes thermophiles opéraient un retour héroïque là où le soleil fléchissant avait suffisamment réchauffé les sols. Au cours du weekend suivant cette même place était parsemée d'aestivalis de fort belle facture. Et pour mon plus grand bonheur, en lisière d'une autre place privilégiée, une nouvelle bosse sous les feuilles recelait deux aereus juvéniles tandis que les Marterouëts se faisaient plus rares.

 

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Cette embellie des thermophiles reposait sur des pluies malheureusement beaucoup trop faibles pour permettre un embrasement général des sous-bois. Et elle fut stoppée par le coup de froid survenu en dernière décade de novembre. Auparavant, au cours du weekend des 20 et 21 novembre, je trouvai encore quelques magnifiques aereus et aestivalis pour me tenir en joie.

 

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Après le coup de froid, une jolie petite levée de Marterouëts s'amorça en première décade de décembre, mais tout indique que le gel avait grandement opéré ses maléfices sur le mycélium car les 95 mm de pluie tombés durant l'intervalle hivernal laissait espérer une pousse un peu plus consistante. Les edulis continuèrent à venir à l'unité jusqu'au dernier jour du mois de décembre, il est vrai que les cèpes d'une manière générale, détestent la sécheresse hygrométrique comme celle qui fut le lot de ces trente et uns derniers jours de l'année.

 

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Toutefois, comme 2015 est une année au caractère exceptionnel, les vacances de Noël virent réitérer le miracle dont je rêvais depuis le mois de décembre 1989. Le 24 décembre, alors que la nuit tombait, je rentrai chez moi pedibus par une petite route avec dans mon sac en toile deux jolis petits Marterouëts tout frais pour agrémenter le réveillon en famille. Soudain, comme je longeais une bordure de chênes poussés sur un talus exposé au soleil toute la journée, mon regard accrocha sur une grosse boule beige grisonnante et craquelée et je m'immobilisais comme en transe. En toute insouciance un splendide aestivalis de 500 grammes contemplait les allées et venues et se délectait du spectacle des Pyrénées qui s'étalait à perte de vue depuis le Pays Basque jusqu'au Pic du Midi de Bigorre de sa litière de feuilles. Le record du 23 septembre 1989 (aestivalis) venait de tomber. Retournant sur les lieux au petit matin de Noël je dégotais un autre aestivalis magnifique dans les hautes herbes fanées de l'autre côté du chêne, puis deux encore le 27 décembre sous un chêne à quelques mètres.

 

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Compte tenu de la sécheresse intense, les champignons de fin de saison se sont avérés très rares dans mes contrées, hormis les pieds de mouton qui ont trouvé asile dans les bas-fonds.

Sur la plan statistiques, avec 436 cèpes (dans mes petits bois historiques où les chiffres font sens), soit un peu plus de la moitié de 2014 et un peu plus de 40% de 2006 et 2011, la saison 2015 démontre brillamment que les détails et le scénario sont au moins aussi importants que le résultat final dans l'appréciation d'un millésime fongique et le bonheur que l'on y puise. Pour ce qui est de la répartition par espèce, aestivalis l'emporte à l'instar de 2011 avec 237 cèpes soit 54,35% de la cueillette finale. Cette prédominance d'aestivalis illustre la rupture observée après la vague de chaleur de l'été et plus particulièrement les mois de septembre et octobre. Traditionnellement, le printemps avantage aestivalis tandis qu'aereus monte en puissance en juillet-août et prend l'avantage en septembre octobre jusqu'à fournir un peu plus de 60% des effectifs finaux. Cette année aereus n'a pas pu expruimer la pleine mesure de son potentiel et aestivalis a conservé son avance jusqu'à expiration de la saison.

Adishatz !

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