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Le Blog de Cristau de Hauguernes
29 octobre 2015

De l'importance de la température du sol dans les pousses de cèpes...

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Adishatz,

Pour nombre d'entre nous, habitant en ville et souvent loin des lieux de cueillette, prévoir au mieux une pousse de cèpes et planifier les sorties en conséquence revêt une importance capitale dans la mesure où le temps et le carburant sont de plus en plus comptés. La démarche s'avère d'autant plus hasardeuse que bien des paramètres échappent à cette prévision et il n'est pas rare que les bois soient déserts au moment de se projeter sur le terrain.

C'est que le temps et les températures de l'air quelques jours et heures avant la sortie, voire en amont pour ceux qui ont accès à des relevés plus complets et antérieurs, s'ils participent grandement de l'activation du mycélium et pour la pluie de sa matière première, ne sont pas à eux seuls les facteurs déclenchants d'une pousse dont le signal émane des entrailles de la terre via les variations tour à tour lentes ou plus brutales et saccadées des températures auxquelles le mycélium est extrêmement sensible.

Plusieurs éléments concourent, se confrontent ou se neutralisent en permanence, concomitamment ou successivement, dans la régulation de la température des sols de nos bois et c'est cette tension perpétuelle qui crée les conditions favorables ou défavorables à la venue des cèpes. De la chaleur remonte en permanence des profondeurs de la terre, certains thermomètres sonde assez perfectionnés vous permettront aisément de le vérifier, même en plein hiver. Mais entre la surface et 15 centimètres de profondeur, la strate qui nous intéresse davantage, des éléments extérieurs au sol vont venir lisser, annuler, infléchir cette tendance naturelle ou au contraire l'amplifier. Bien plus que le contact de l'air avec la surface, le rayonnement solaire direct impacte sensiblement à la hausse les températures du sol, lesquelles atteignent généralement un maximum dans le courant de l'été. Inversement, le rayonnement nocturne, en l'absence de nuages, génère un refroidissement du sol, principalement en hiver. Les chutes de grêle ou de neige favorisent un refroidissement sensible mais temporaire, le refroidissement local induit par la grêle en été est parfois générateur de pousses de cèpes spectaculaires non seulement parce que la grêle est généralement accompagnée de beaucoup de pluie, mais surtout par le "choc thermique" amplifié qu'elle cause au mycélium. Le cas de la pluie est autrement plus intéressant car son impact sur la température des sols diffère en fonction des saisons et du contexte initial. En période estivale ou loin de toute période froide, la pluie est un facteur de refroidissement des sols, induisant le fameux choc thermique au mycélium en préalable à la pousse. Mais il arrive aussi que de la pluie douce impacte sensiblement à la hausse la température de sols déjà bien froids comme en cet automne 2015. Certains ont alors pu parler de "choc thermique à l'envers..." C'est si vrai que l'on voit souvent les cèpes et d'autres espèces reparaître peu de jours après une pluie mettant fin à une longue séquence de sols trop froids.

Pour m'en tenir aux cèpes, plusieurs études scientifiques récentes ont permis de déterminer des "seuils" et "plafonds" de températures de sol d'activation du processus mycélien propre aux quatre espèces de cèpes. Ces seuils et plafonds sont sujets à variation en fonction des terroirs mais aussi de l'altitude. Un cèpe d'été montagnard s'accommodera davantage de sols plus froids que son homologue des plaines gasconnes. Il convient aussi de préciser que ces températures plancher ou plafond doivent être observées dans la durée (relative stabilité) pour que le processur mycélien s'active ou s'interrompe durablement. Ceci explique notamment pourquoi certaines saisons au printemps, peinent à démarrer.

Le cèpe noir est le plus thermophile de nos cèpes. Il requiert des températures de sols atteignant ou dépassant durablement les 12 mais plus assurément 14 degrés pour commencer à produire ses sporophores. On comprend mieux pourquoi il apparaît souvent en juin, soit un bon mois après son frère le cèpe d'été. L'aereus est le dernier cèpe à braver la torpeur de l'été, il n'est pas rare que je le trouve encore alors que le thermomètre sonde de sol de mon bois indique 24 voire 25 degrés... Mais c'est entre 16 et 20 degrés dans le sol qu'il se plaît le mieux pour notre plus grande joie.

Le cèpe d'été éclot sur les bordures et les allées des bois clairs, parfois dès le mois d'avril, pour peu que la température du sol s'établisse durablement au-dessus de 12 degrés. Sa production s'interrompt lorsque le sol atteint ou dépasse 22 degrés plusieurs jours durant.

Des trois espèces les plus répandues le cèpe de Bordeaux et le moins thermophile, un sacré gaillard, rompu aux gelées blanches d'arrière-automne et aux abats d'eau. Se montrant très rarement au printemps, il se manifeste d'abord en montagne, parfois en juillet, plus généralement en août, vers 1300 et 1800 mètres, toutes altitudes où les températures du sol sont le plus susceptibles de redescendre rapidement et durablement en dessous des 15 degrés. Il dévale les pentes et apparaît ensuite en plaine au fur et à mesure que les sols se refroidissent. Certaines études ont déterminé un seuil d'activation (désactivation serait le plus approprié concernant cette espèce) du mycélium de l'edulis à 10 degrés. Sur la foi de mes observations et relevés de terrain qui m'ont donné de cueillir ce cèpe en parfait état après plusieurs gelées à -4, -5 degrés, j'incline plutôt à penser que des températures de sol à 8 degrés voire inférieures ne le découragent pas.

Reste le cas du plus rare de la bande des quatre, le plus mystérieux aussi, le cèpe dit "de sapins", boletus pinophilus. Faute d'études précises à son endroit, on considère que ses habitus et préférences thermiques sont assez proches de l'edulis. À cette nuance de taille près, que je l'ai déjà rencontré au printemps en moyenne montagne à trois reprises.

Lorsque l'on met en regard ces courbes de températures propres aux trois espèces les plus répandues, on détermine un intervalle de température minimale et maximale du sol dans lequel on a le plus de chances de les trouver ensemble dans le même biotope au cours d'une même sortie, cet optimum de températures, un confrère avait parlé de "noeud thermique", probablement variable en fonction des terroirs et de l'altitude, est généralement compris entre 12 et 15 degrés.

Le facteur déclenchant une pousse majeure de cèpes (et d'autres espèces de champignons), déjà effleuré dans cet article, est généralement le "choc thermique". Il s'agit d'un décrochage significatif et plus ou moins brutal de la température du sous-sol (la température du sol en profondeur variant tpresque oujours plus lentement que celle de l'air). Les deux causes principales de cette chute sont soit l'occurence de fortes pluies sur un sol (très) chaud. On parle alors de "choc thermo-hydrique". Mais un choc thermique peut également survenir en l'absence de toute pluie, par temps calme et ciel limpide, en septembre ou octobre, lorsque la température de surface s'abaisse en dessous de 10, 5 voire avoisine les 0 degrés. Ce choc thermique est fonction des températures qui précédaient sa survenue. Une ou deux nuits inférieures à 10 degrés début septembre après de longues semaines de chaleur peuvent y suffire tandis qu'en octobre quelques matinées autour de 5 degrés seront plutôt nécessaires. Le choc thermique agit en stimulus-reactio sur le mycélium en abaissant parfois momentanément la température du sol en dessous du fameux seuil de production de l'espèce. Pour que les cèpes poussent un choc thermique ne doit pas être durable, une lente remontée des températures du sol vers des niveaux de confort est plus que souhaitable, sans quoi le mycélium abdique, à l'instar de ce mois d'octobre 2015. Le choc thermo-hydrique est le plus intéressant pour nous, en apportant l'eau nécessaire à la pousse. Et plus les quantités d'eau tombées concomitamment à la chute des températures seront importantes, plus la pousse a de chances d'être prolifique. Le choc thermique en condition sèche favorise également une pousse s'il a plu au cours des jours et semaines précédentes. L'amorce et la montée en puissance de cette dernière seront habituellement plus lentes et graduelles que dans le cas d'un choc thermo-hydrique. Il existe enfin, particulièrement entre les mois d'octobre et décembre, une sorte de "choc thermique inversé", comme abordé plus haut, la pluie lorsqu'elle est plus chaude que le sol pouvant, à condition d'être suffisamment abondante, contribuer à un réchauffement de celui-ci jusqu'à supérer les seuils d'activation du processus fongique. Si les jours qui suivent permettent une stabilisation des températures du sol au-dessus de ces minima minimorum, la production de cèpes reprendra. Ce cas de figure advient souvent pour les aereus et les aestivalis aux rivages de la Toussaint, de façon beaucoup plus systématique et jusqu'aux fêtes de fin d'année s'agissant d'edulis, qui sait mieux qu'aucun autre tirer parti de ces conditions versatiles et fortement dégradées de novembre et décembre...

Pour en terminer avec cette question passionnante et essentielle, sur le plan pratique, il vous est possible de vous procurer des thermomètres sonde de sol à tous les prix sur le Net, en vue de réaliser vos propres relevés et d'affiner vos prévisions. Veillez simplement à ce que la sonde affiche la température du sol entre 10 et 15 centimètres de profondeur...

Adishatz !

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