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Le Blog de Cristau de Hauguernes
19 février 2014

À quelle sauce les morilles 2014 nous accommoderont-elles ?

Adishatz a tots ! Bonjour à tous !

Cet hiver nous pilotant sans jamais décliner son identité, nous abandonnera sous peu, songeurs, à l'aube d'une nouvelle saison des morilles. Et si pour la grande majorité d'entre nous cette projection vers l'inconnu avec sa part d'espérance, d'attente fébrile, de magie, de rendez-vous manqués, de bonnes surprises, de "succès d'étape", qui motivent notre quête et les efforts que nous renouvelons chaque année sans compter, perdrait énormément de son intérêt en étant dévoilée par avance et dans les moindres détails, il ne fait aucun doute que nous soyons très nombreux, parfois dès l'extinction de la saison des cèpes, à aiguiser notre réflexion ou à débattre entre confrères sur les forums, de la teneur générale du futur printemps des morilles.

D'emblée je m'empresse de préciser que mon expérience en ce domaine est trop récente (début des années 2000) pour autoriser un avis tranché sur le sujet. En outre, il convient aussi de faire toute leur part aux groupes de morilles, entre celui des communes et des blondes dont je suis relativement coutumier et qui colonise les frênaies alluviales et les peupleraies depuis nos grands cours d'eau de plaine jusqu'aux moyennes vallées des gaves et autres torrents de l'étage montagnard, et celui des morilles dites "noires", les coniques, les élevées, les costées, nettement plus septentrionales en plaine et presqu'exclusivement montagnardes dans le Sud, sur lequel je n'ai qu'une culture personnelle très lacunaire, constituée de ouï-dire, de rares conversations avec des initiés et de lectures. Tout ce qui me semble évident est que ce groupe ne se comporte pas comme le premier, un peu comme les cèpes de Bordeaux et les cèpes de sapins en montagne produisent rarement la même saison que les cèpes noirs et cèpes d'été en desssous de 1300 mètres et en plaine.

En l'occurrence, la saison 2014 des morilles sourdra des décombres d'un hiver particulièrement doux sur l'ensemble du territoire, mais présentant d'énormes disparités régionales s'agissant des précipitations. En cette fin février plusieurs grands ensembles se dégagent : d'une part, ceux qui ont traversé une mauvaise saison particulièrement sèche : Le Roussillon et le Bas Languedoc, autour de Perpignan, Narbonne, Béziers, Montpellier, jusque dans les contreforts des Cévennes et des Corbières, ont établi un déficit record, parfois de l'ordre de 80 à 90% de leur pluviométrie "normale". La sécheresse fut aussi le lot du grand quart Nord-Est, autour de Strasbourg, Metz, Nancy, avec un déficit pluviométrique atteignant parfois 50 à 60%, et dans une moindre mesure, du Centre de la France, Auvergne, Bourgogne, Alliers, ..., où le déficit a pu atteindre localement 30 à 40% de la normale. En contrepartie trois grands groupes de régions ressortent d'un hiver exceptionnellement arrosé : la vallée du Rhône, la région PACA jusque dans les Alpes du Sud, ont connu des abats d'eau considérables et répétitifs, culminant parfois à 300 ou 400% d'excédent par rapport à la moyenne de référence 1981-2010. La Bretagne, ainsi que la Vendée et la Charente-Maritîme, ont affronté un hiver particulièrement agité, assorti de plusieurs tempêtes et inondations abondamment traitées dans les médias. Il en résulte un excédent atteignant localement 180% de cette même pluviométrie moyenne hivernale. Enfin, le Bassin Aquitain présente aussi un excédent de l'ordre de 120 à 140%, dû surtout aux blocages orographiques en flux de nord-ouest intervenus depuis la mi janvier. C'est dire si nous ne serons pas logés à la même enseigne en ce début de saison, et si dégager une tendance globale fiable, de nature à répondre aux interrogations de chacun, en s'appuyant sur de telles différences de traitement, relève de l'impossible, voire de l'imposture.

La configuration générale étant posée, par delà les précautions de langage, l'honnêteté commande de préciser qu'elle n'invite guère à l'optimisme. En effet, si aucune corrélation ne peut être établie entre un hiver pluvieux et une piètre saison des morilles (qui n'a jamais ouï dire des anciens qu'une pousse mirifique avait été observée dans tel ou tel secteur inondé ?), le sentiment des connaisseurs et les quelques statistiques dont nous disposons nous préviennent qu'en l'absence totale de froids significatifs, un hiver accouche presqu'immanquablement de faibles cueillettes. Nos craintes s'apprécient de ce qu'à ce jour 2014 surpasse nettement en douceur tous les hivers précédents. Notez toutefois qu'à l'instar de 2004 où la neige s'était invitée fin février, puis le froid piquant début mars, après un hiver inexistant, favorisant une levée différée mais honorable, la nature peut encore recouvrer ses esprits et placer la future saison sous de meilleurs auspices... Ceci vaut particulièrement pour le groupe des vulgaris et des rotunda.

En outre, après avoir fait toute sa part à la prééminence de l'hiver dans le cycle des morilles, juste avant leur développement, notre démarche de passionnés se heurte à la limite des facteurs que nous pouvons effectivement appréhender et intégrer dans nos "prévisions". Si l'on admet que la morille que nous cueillons en avril est le point d'orgue d'une épopée initiée au plus tôt à l'émission d'une spore au cours du printemps précédent, on peine à s'expliquer pour quelle(s) raison(s) le cours des autres saisons traversées n'impacterait pas, fût-ce à la marge, la productivité du mycélium le moment venu. C'est là où réside, ce me semble, la fameuse marge d'incertitude, notre réservoir d'espérance d'où pourrait sourdre la "bonne surprise". Même si, pour tempérer ces propos, je m'empresse d'ajouter que la saison des morilles 2004, la première faisant suite à la canicule historique de 2003, ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable.

Cet hiver à l'inexpugnable douceur ne manque pas de nourrir bien des conjectures quant à la possible arrivée anticipée de Morchella. Sur ce point je me bornerai à exposer quelques cas d'espèces. Mes cueillettes les plus précoces de morilles au pied des Pyrénées et dans les vallées de leurs gaves, correspondent à la saison 2003 et surtout 2002 où les premières paradaient sous les frênes à la mi mars. Trois séquences climatiques en tout point différentes ont caractérisé l'hiver 2001-2002. Le mois de décembre fut glacial et sec, le plus froid en Béarn de ces dernières décennies, avec de nombreuses gelées inférieures ou égales à -10 degrés et une dizaine de journées sans dégel. Le mois de janvier, après un intermède pluvieux au moment des fêtes, s'était avéré remarquablement ensoleillé et sec, avec une hausse graduelle des températures, surtout en deuxième quinzaine, débouchant sur un mois de février radieux, aux accents printaniers. L'hiver 2002-2003 pour sa part, fut nettement plus pluvieux, assorti d'une vague de froid neigeuse significative en janvier et d'autres périodes froides dans le courant d'un mois de février globalement plus ensoleillé et sec. Les morilles pointaient vers le 20 mars près des gaves et la pousse fut exceptionnelle. Avant d'ébaucher quelques hypothèses je clôturerai ces "tronches d'hivers" par l'évocation du millésime 2012-2013, le dernier en date et qui partage avec l'actuel une forte propension à pluviométrie extravagante. Bien que sans froid significatif hormis une période de froid faible à modéré de fin novembre à mi décembre, puis fin février, l'hiver 2012-2013 fut nettement moins doux que son successeur car caractérisé par une récurrence de blocages orographiques en flux de nord-ouest frais, générateurs de précipitations impressionnantes et intarissables depuis le Bassin Aquitain et se propageant ensuite le long des Pyrénées. Cette pluviométrie exceptionnelle traverse indistinctement l'ensemble de l'hiver et se double, d'un déficit d'ensoleillement abyssal, plongeant itérativement nos régions dans une sorte de pénombre éprouvante depuis la Toussaint 2012 jusqu'au mois de juin 2013. Faut-il y voir un lien, une relative embellie survint tout de même dans le courant du mois de mars et les premières morilles pointaient dans les tout derniers jours du mois en plaine (rapidement terrassées par un improbable pic de chaleur en première quinzaine d'avril), seules les montagnardes, qui avaient eu la sagesse de différer encore un peu leur sortie (mi avril), y survécurent, et leur saison nous combla jusqu'à la mi mai. Il n'y aurait donc aucune espèce d'automaticité à ce qu'un hiver très doux ou sans froid accouche d'une pousse de morilles précoce. Nous avons même là deux exemples d'hivers froids, certes excentrés ou excentriques, qui inclinent à penser que le froid n'exclut en rien un démarrage anticipé de la saison. C'est que, bien plus que le niveau médian des températures et l'intensité des éventuelles vagues de froid, le nombre d'heures d'ensoleillement gagnerait à être étudié comme un facteur d'importance dans la chronologie de l'apparition des morilles. Ceci expliquerait peut-être pourquoi un hiver inoffensif mais très peu ensoleillé comme 2013 (ce qui est aussi le lot de l'actuel) a débouché sur une pousse retardée. Faute de moyens techniques, beaucoup d'entre nous passent outre cet élément dans leurs tentatives de projection, or le rayonnement solaire impacte directement ce sol où intriguent nos morilles...

Adishatz !

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Commentaires
C
Oui, après deux semaines de soleil et de grande douceur où nous n'avons rien vu sortir, ces pluies et le rafraichissement qui leur emboîte le pas sont plus que bienvenus, surtout que nous négocions le virage vers le grand mois d'avril... cet après-midi je suis allé arpenter ma petite morillère en pure perte. C'est qu'il nous tarde de les voir poindre...
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S
Coté rhône rien encore, mais la pluie de ce jour va favoriser la croissance de nos frênes...<br /> <br /> à suivre.
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C
Bonjour,<br /> <br /> 2004, pousse un peu tardive mais de bonne tenue au pied des Pyrénées.<br /> <br /> La pousse prend tout son temps, vous avez raison, je n'ai rien trouvé pour l'instant, juste des pézizes veinées, même les morillons ne sont pas encore sortis.<br /> <br /> Je ne connais pas de stations à morilles qui n'ait pas leur quota d'ensoleillement et les secteurs pentus qui restent à l'ombre plus longtemps produisent toujours en dernier.
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J
Erreur de date je voulais dire 2004.<br /> <br /> Sinon pousses pas si en avances que cela , malgré l'humidité et la chaleur des journées. Le gel nocturne doit jouer.<br /> <br /> L'exposition joue un rôle important: j'ai un coin qui a déja donné et un autre ( hier) où j'en n'ai trouvé que 5. Soyons patients..
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C
Bonsoir,<br /> <br /> Je suppose que vous vouliez dire 2013... ;-) Cela dit on vous en souhaite autant pour 2014... La situation en ce début de saison varie énormément en fonction des régions, dans le sud-ouest, nous ne craignons pas la sécheresse tant les sols sont encore saturés d'eau, notamment ceux des ripisylves à morilles communes et blondes. Pour les "noires", rarissimes dans nos plaines (je n'en ai jamais entendu parler), nous attendons la fonte des neiges dans les Pyrénées où elles poussent souvent de façon aléatoire. Et il nous faut viser juste dans nos sorties. Pour ce qui est des communes et des blondes, de ce que j'en ai vu et à ma connaissance, toujours rien, nous avons eu un hiver désespérément doux et çà n'aide pas. Vous me faites rêver avec vos morilles noires. Merci de votre message...<br /> <br /> Cristau
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