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Le Blog de Cristau de Hauguernes
16 décembre 2012

Des mousserons de printemps pour Noël 2012...

 

cg-16-12-12-06

 

 

 

Des mousserons pour Noël...

 

Etait-ce le soleil radieux, le ciel azur où voguaient de rares vaisseaux blancs en langue de chat, ou encore ce souffle délicieux qui flattait mon visage et caressait mes cheveux ? À l'ouverture des volets, un élan printanier squattait les premières heures de ce dimanche 16 décembre 2012.

 

Ayant depuis longtemps abdiqué tout espoir de cueillette, en début d'après-midi je me lançai dans une de mes marches sportives hivernales, dont l'objectif, outre l'oxygénation et le caractère revigorant de l'effort, est de maintenir une condition physique satisfaisante tout au long d'une saison morte où tout invite à stagner chez soi.

 

Je cheminais donc prestement sur la petite route qui mène au village d'Orion dont je voulais effectuer la boucle du quartier Beuste et du château avant de regagner le domicile familial après une randonnée de plus de 22 kilomètres...

 

Je n'ai jamais atteint le village... Et pour cause, juste avais-je gravi le petit raidillon de la ferme Cambot à moins de 4 kilomètres de mon domicile, que j'avisai, à 1,50 mètres de la route, le long des barbelés, au pied d'une aubépine haute de quatre mètres, deux chapeaux de champignons de couleur blanchâtre et d'aspect farineux...

 

- Quelque clitocybe nébuleux, pensai-je, cette espèce foisonnant avant l'hiver.

 

Cependant, mû par l'instinct du chercheur, je m'approchai, et m'inclinant, je retournai un sujet de la pointe de mon bâton.

 

D'emblée je restai interdit, mon spécimen ne présentait pas l'aspect en entonnoir qui identifie aisément les clitocybes, mais ses lames étaient ventrues, intercalées de lamellules et fortement échancrées sur le point de se rattacher au pied dont elles étaient nettement différenciées, à la manière des tricholomes.

 

Ces constatations ajoutant au coloris blanc-crème et à l'aspect farineux, une appellation irradia mon esprit... Non, c'était inconcevable, ce n'était pas la saison, certes j'avais lu en de rares ouvrages doctes que des pousses exceptionnelles avaient été observées en automne, mais à cet endroit, je n'en avais jamais rencontré au printemps, alors comment auraient-ils pu y venir hors saison ? Il fallait que je humasse...

 

Et dame nature rendit son arrêt, irréfragable, tel leur parfum... Des mousserons de la Saint George, un jour de Sainte Alice... Et comme je venais d'identifier les premiers, j'en aperçus deux nouveaux de l'autre côté du barbelé sous l'aubépine. En une envolée de moineau je sautai la clôture, soulevé de joie. De fait, il y en avait d'autres, de taille remarquable, dissimulés sous la paille séchée ou dans l'herbe grasse. Repassant la clôture, j'en trouvai encore, des gros, remarquablement camouflés sous les débris végétaux.

 

À présent je me maudissais. Dans la légéreté de ce jour printanier, j'avais laissé à la maison les sacs en plastique de secours pour les trouvailles inopinées. En palpant le sac en toile de mon appareil photo, je fus heureux d'entendre le craquement d'une poche plastique. La délogeant, je l'emplis de mes trésors inespérés et je repartis, tout à la joie de ce ultime offrande d'une saison mycologique bien remplie...

Et si le mousseron avait des stations d'automne, voire d'hiver exclusives, rarissimes et donc quasi indécelables...

Après avoir fait toute sa part à l'émerveillement de ma rencontre insolite d'hier, il convient d'aborder ici les pistes de réflexion et d'expérimentation in situ qu'elle ouvre à mes pieds...

Je savais par mes nombreuses lectures que le mousseron dit "de printemps" se fendait parfois de saillies automnales où l'exceptionnel le dispute au confidentiel. Quelques pousses d'automne ou d'arrière-automne ont été signalées, notamment en montagne. L'écrivain terroiriste d'expression gasconne, Ramonet deu Pè de la Vit (Raymond Lajus), dans son texte Los Mossarons (Les Mousserons), se délectait de trouvailles en février "après de bèras sorelhadas" (après de bonnes plages ensoleillées). Mon étonnement réside donc moins dans le fait d'avoir trouvé des mousserons avant Noël que dans celui de les avoir découverts en une station où, pour l'inspecter fréquemment en mars-avril, je n'en avais jamais vu. S'il est vrai que depuis quelques années, les agents communaux ont pris l'habitude de couper court l'herbe des accotements début décembre, ce qui a pu faciliter la chose, dans un biotope où la végétation est itérativement éradiquée par les sabots des ruminants d'autre part, les sujets d'hier étaient de taille remarquable et pouvaient de ce fait très difficilement échapper à un coup d'oeil averti. Je vais donc dès à présent m'attacher à surveiller étroitement cette mousseronnière avec maints objets d'étude et investigation en vue de mieux cerner les moeurs de cette espèce...

En tout premier lieu il s'agit de vérifier si d'autres pousses surviendront au cours de l'hiver qui se profile tant que le gel ne sera pas trop sévère. Je m'attacherai également à établir si quelques mousserons viennent à cet endroit au cours des prochains mois de mars et avril mais aussi en arrière-automne et en hiver. Mon hypothèse est qu'il pourrait exister des mousseronnières extrêmement confidentielles et à fructification exclusivement hivernale, échappant pour cela à la vigilance des chercheurs les plus expérimentés car "hors saison" et restées longtemps dissimulées dans les hautes herbes sur les accotements les mieux exposés des petites routes et des chemins. Une autre hypothèse, n'excluant pas la première, tient que le mousseron, champignon réputé pour sa fidélité à des stations et à des périodes de l'année, pourrait plus rarement sacrifier à une stratégie de fructification colonisatrice et "opportuniste", à l'instar de certaines morilles, apparaissant de manière exceptionnelle car isolée dans le temps, et spectaculaire car en des lieux dont ils ne sont pas coutumiers, là où la rencontre de spores et de matière organique à profusion l'autorisent. À ce sujet le fait que ce champignon vienne volontier en bordure de chemins et de routes où eaux de ruissellement (charriant éventuellement quelques spores des biotopes versants) et matière organique (notamment débris végétaux) confluent aisément me semble intéressant. Voilà en tout cas, mes chers lecteurs, que cette trouvaille inattendue d'hier ouvre sur mes chemins de formidables pistes d'investigation pour l'avenir...

Adishatz !

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Commentaires
C
Bonsoir Gab,<br /> <br /> Vous voyez, la roue de la fortune tourne, après avoir fructifié à plusieurs reprises durant l'hiver 2012-2013 et au printemps suivant, cette mousseronnière anachronique qui m'avait électrisé l'an dernier est actuellement en dormance. J'ai beau la visiter très régulièrement, pour l'instant rien n'y paraît. C'est étrange parce que finalement, l'automne-hiver 2013 a assez fortement ressemblé à l'automne-hiver 2012 sur mes coteaux, avec de fortes pluies après la Toussaint, un peu de froid fin novembre, puis du soleil en première quinzaine de décembre. Or, de mon côté, je n'ai donc rien trouvé. Je vous rejoins sur l'idée que ces pousses anachroniques de calocybes pourraient être motivées par un fort redoux humide après une période de froid. Le mousseron se croirait-il donc en avril ?<br /> <br /> Reste que l'an dernier (2013), le Béarn avait connu un hiver exceptionnellement pluvieux, avec à plusieurs reprises des séquences d'intempéries ressemblant fortement à des giboulées, avec tonnerre, grésil et parfois neige fondante. À chaque abat d'eau semblait correspondre une sortie de mousserons quelques jours plus tard. Je suis, vous vous en doutez, sur le qui-vive, brûlant de savoir si le miracle se renouvellera en janvier ou février. Dans le cas contraire, je resterai sur cette question essentielle pour un naturaliste : "quel fut donc l'élément déclencheur de cet évènement inattendu ? Pourquoi cette mousseronnière se serait-elle réveillée cet hiver-là et pas lors des suivants ?"<br /> <br /> Quant à vous, si l'hiver ne se raidit pas trop et si votre emploi du temps l'autorise, il pourrait être très instructif de surveiller ce lieu d'apparition au cours des prochains mois, notamment quelques jours après de bons arrosages, afin de voir si d'autres fructifications ne se déclenchent pas. C'est que vous pourriez être époustouflé, comme ce fut mon cas l'hiver dernier. En tout cas, c'est tout le mal que je vous souhaite<br /> <br /> Cordialement
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G
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Je me précipite à nouveau sur votre blog car... il m'est arrivé la même chose que vous!! Mais dans le Nord de la France, en Lorraine!!<br /> <br /> Un seul exemplaire, d'une taille déjà grande et à un stade avancé, le carpophore était tout de même très imbibé d'eau si bien que sa couleur tiré sur le roux, ocre. Je m'interrogeais donc sur cette découverte quand je sentis le fort parfum, et là, plus aucun doute!! Je n'en revenais pas, je venais de trouver des tricholomes de la St-Georges à la fin décembre!!<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai trouvé ce seul exemplaire dans un petit bois de trembles avec quelques aubépines, sur un versant orienté sud et protégé des vents d'Est. Il a fait un peu froid en novembre (jusqu'à -5° le matin) et le temps a été doux et pluvieux sur tout décembre. Je n'ai pas trouvé ce champignon dans un rond connu au printemps et je suis presque sûr qu'il n'y en a pas au printemps dans cet endroit (je vérifierai ce printemps). En revanche, j'ai fait le tour des ronds connus dans l'herbe et tout les ronds sont plus ou moins marqués par la coloration verte foncé caractéristique. J'ai d'ailleurs trouvé il y a quelques jours une bonne trentaine de ronds supplémentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> Des photos de ce mousseron sont visibles ici :<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.tachenon.com/phpBB3/viewtopic.php?f=21&t=13978
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C
(il est vrai que vos chiffres de températures sont totalement aux antipodes de mes propres relevés car pour l'instant le froid n'arrive pas à prendre pied auprès des Pyrénées)
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C
Bonsoir,<br /> <br /> Effectivement, malgré un temps très peu propice aux randonnées cet hiver pour cause de pluies diluviennes je suis retourné sur place à plusieurs reprises (je suis aussi allé sur d'autres mousseronnières que je connaissais déjà) et samedi dernier, 19 janvier, soit plus d'un mois après la fabuleuse trouvaille du 16 décembre, j'ai découvert un nouveau gambosa près d'une ronce sèche sous l'aubépine. J'ai d'ailleurs publié un bref article sur cet évènement ici-même. J'ajoute, ce qui ne manquera pas de vous émoustiller, qu'en début de semaine, mon beau-frère a lui-même trouvé un gambosa (ils le regardaient pousser depuis quelques jours avec ma soeur sans jamais se douter de quelle espèce il pouvait s'agir) sur une bordure de petite route, à environ 250 mètres de leur maison neuve qui se trouve à près de 10 km de chez moi... Ils ne savaient pas que le gambosa venait à cet endroit au printemps, tout comme cette mousseronnière découverte en décembre m'avait totalement échappé au printemps. Voilà un détail qui ne manque pas de m'interroger, sans certitude aucune, je suspecte le gambosa de nous cacher quelques rarissimes stations hivernales, mais sur ce point, les prochains printemps et les prochaines basses-saisons pourraient être décisifs... Dernière chose, il est vraiment dommage que le Béarn traverse un hiver totalement décourageant pour le grand randonneur que je suis car sans cela je vous assûre que j'aurais déjà prospecté toutes mes mousseronnières répertoriées (printanières) et tous les bords de chemins et autres secteurs potentiels.<br /> <br /> Habituellement, je vois poindre les premiers vers la mi-mars, et la pleine saison est en avril...<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Cristau
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G
Etes-vous retourné sur place?<br /> <br /> Après votre découverte, je suis allé sur quelques stations favorites à la fois dans l'herbe et dans les haies mais je n'ai rien trouvé, juste une herbe beaucoup plus verte au niveau du rond comme en plein automne mais ça je l'observe presque chaque hiver quand il fait doux et humide... Je suis aussi allé voir du côté des morilles fin décembre/début janvier et rien. Depuis dans l'Est, il a fait -10° et il a pas mal neigé...<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas vraiment surpris de votre découverte, je trouve parfois mes premiers gambosa dès la fin du mois de février sur quelques très rares stations très précoces, ils n'arrivent pas à maturité avant le 15 ou 20 mars... C'est toujours un plaisir!<br /> <br /> Bonne journée,
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