Une poussée localisée mais par endroit époustouflante, riche d'enseignements et terriblement prometteuse...
Pendant que le petit microcosme de la mycologie retient son souffle, trépignant d'impatience en scrutant le ciel d'où viendra bientôt la pluie providentielle, le dernier week-end offrit au veinard que je suis un petit aperçu de ce que pourrait être la grande saison des champignons 2012...
Concrètement, si d'une manière générale, les pluies de fin août furent trop faibles et espacées en Aquitaine pour avoir quelque effet sur des sols déshydratés et surchauffés par l'été, la région de l'Entre-deux-gaves qui est mon terrain de prospection fut un peu mieux lotie avec par exemple 40 mm d'eau dans mon pluviomètre des hauteurs de Salies, valeur théoriquement insuffisante à déclencher une grande pousse mais suffisante à une poussée modérée...
Si la petite châtaigneraie mitoyenne à l'instar de tous les bois exposés au sud, habituellement prompte et très généreuse, s'avèra peu productive avec seulement deux cèpes noirs, tenu par une intuition je ne me décourageai pas et partis à l'assaut d'autres stations favorables en privilégiant les bas-fonds orientés au nord. Des troupes de bolets de quélet (boletus queletii) et de bolet radicants (boletus radicans), sur l'accotement des petites routes, en bordure des couverts où le soleil ne donne jamais, motivaient mon avance par 33 degrés à l'ombre.
Bientôt les premiers cèpes noirs m'apparurent sous les chênaies épaisses des versants nord, d'autres prenaient le frais près du lit d'un ruisseau. Cette réussite outrepassant mes espérances, je gravissai un sentier forestier flanqué de talus et de bardeaux où les têtes de nègre trouvent volontiers refuge au plus fort de l'été... Une dizaine m'attendaient dans les ronces sous un chêne, trois un peu plus loin, quatre au pied d'un talus. De fait, cet emplacement abrité du soleil, était garni de cèpes, jeunes et vieux, fermes et mollassons et je commençai à regretter de n'avoir glissé que deux grands sacs plastique de secours dans la sacoche de mon numérique.
Ayant arpenté en vain une excellente chênaie exposée plein sud, je gagnai un bois alluvial dans le fond frais du même ruisseau. D'emblée, 17 cèpes d'été m'attendaient sur la lisière dans le blechnum en épi. Plus loin, je trouvai encore quelques têtes de nègre à la fraîche dans le fragon. Au sortir du bois, sac plein et pesant, j'avisai de suspendre la cueillette afin que mes cépounets ne s'altèrent pas et de gagner un peu de temps sur le conditionnement.
Le lendemain, je repris ma collecte où je l'avais laissée, il y avait autant de cèpes, presqu'excluviement des têtes de nègres, tous poussés dans les mêmes conditions, fonds de chênaies fraîches et flancs de coteaux et collines en versant nord. Je fus d'ailleurs surpris par la vigueur sans précédent de la fructification dans ces secteurs. Ainsi, comme j'entrai dans une prairie, sur la bordure, sous un chêne isolé, soudain je me vis entouré de 30 cèpes noirs, tous jeunes et fermes dans l'herbe jaunie par le mois d'août défunt. J'en conclus qu'une force incommensurable intriquait en sous-sol, ce que corrobora d'ailleurs le réveil de certaines de mes usines à cèpes, étrangement en dormance en 2011 et peu actives depuis 2006.
Vous qui languissez la pluie et avez l'attention rivée sur le ciel et les prévisions météo en espérant que la nue se lâche enfin, ne désespérez point. Une poussée de cèpes prodigieuse déferlera sur la France dès que les conditions l'autoriseront et de ce point de vue, la chaleur et la sécheresse de ces derniers mois n'auront été que bénéfiques...