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Le Blog de Cristau de Hauguernes
16 juillet 2012

De l'art de déterminer un "coin" à cèpes...

Parce que c'est vous, je dépose d'emblée mon secret infaillible pour identifier un "coin" à cèpes à coup sûr... La chose est imparable, si, arpentant les bois, vous trouvez un cèpe, vous êtes bien dans une place à cèpes...

Plus sérieusement, à qui sait les identifier, la nature soumet d'innombrables indicateurs plus ou moins fiables voire certains, de la présence possible de certaines espèces de cèpes dans les biotopes que vous traversez. Ces indics du cèpe recrutent presqu'exclusivement dans le règne végétal, ce sont des arbres et surtout des plantes que je m'efforcerai de vous rendre aisément identifiables après lecture de cet article. In situ, votre probabilité de trouver des cèpes augmentera avec la présence simultanée du plus grand nombre d'essences décrites ci-dessous...

Les arbres, des partenaires indispensables du cèpe, mais qui ne feront pas toujours votre fortune...

Tous les arbres n'offrent pas l'hospitalité au cèpe mais, en fonction des saisons et de l'altitude, certaines espèces d'arbres sont étroitement liées à une voire plusieurs espèces de cèpes. Considérant mon lecteur suffisamment au fait je ne me lancerai pas ici dans une description fastidieuse et infantilisante des principaux arbres vivant en symbiose avec le cèpe, me satisfaisant de les énumérer et de les situer.

Dans les bois et forêts de plaine et de basse altitude (inférieure à 500 mètres) les chênes, les châtaigniers (plus méridionaux) et les hêtres (plus septentrionaux et montagnards dans le sud) sont d'excellents pourvoyeurs des principales espèces de cèpes (boletus aereus, boletus aestivalis et boletus edulis) à l'exception peut-être du cèpe de pin, boletus pinophilus, beaucoup plus rare en plaine. Toujours sous les couverts de plaine vous aurez parfois de belles surprises sous les charmes, les bouleaux (notamment le cèpe de Bordeaux, l'edulis) et sous les tilleuls (cèpe d'été, l'aestivalis). D'autres essences de feuillus attirant moins l'attention du chercheur peuvent aussi être associées au cèpe, à l'instar du noisetier. Parmi ces espèces de taille modeste auxquelles nous n'accordons pas toujours l'intérêt qu'elles méritent et qui pourtant sont collocataires, des cèpes il convient de s'arrêter et de faire un sort au houx.

houx-19

Le houx, ilex aquifolium, est un arbre atteignant exceptionnellement 20 mètres de hauteur, pourvu de feuilles persistantes de 5 à 8 cm de long, alternes, coriaces, généralement piquantes de forme ovale ou elliptique, d'un beau vert foncé et éclatant en sous-bois. Feuilles et fruits en grappes, globuleux (0,5 à 0,8cm), rouges à maturité, font la notoriété de cette espèce commune presque dans toute l'Europe et sur le pourtour méditerranéen, à l'occasion des fêtes de Noël. Pour ma part je rencontre fréquemment le houx en compagnie des cèpes d'été et têtes de nègre. Ajoutons que la compagnie des meurisiers, des prunelliers (en lisière) et des aubépines, ne rebutent pas non plus les cèpes.

Un peu plus haut, entre 500 et 1200 mètres d'altitude, outre les hêtres et les bouleaux, déjà cités et qui en moyenne montagne, abritent nombre de cèpes d'été à la belle saison et de cèpes de Bordeaux en automne, l'épicéa et le sapin pectiné sont de formidables producteurs des deux espèces précitées, auxquelles il convient d'ajouter le cèpe de (sa)pins, boletus pinophilus, qui de fait est une espèce éminemment montagnarde.

Au delà, avec la disparition des hêtres et des bouleaux, on trouvera les cèpes sous les conifères, épicéas, sapins pectinés mais aussi pins des landes d'altitude, où il faudra les chercher en premier lieu avec les beaux jours.

Une bonne connaissance des principaux arbres de nos forêts, notamment pour les novices, est donc extrêmement recommandée dans la construction d'un chercheur de cèpes accompli et autonome, capable d'identifier les secteurs à prospecter en priorité. Toutefois, l'arbre ne constitue pas toujours à lui seul un indice de la présence certaine du "seigneur des forêts". À cela je me bornerai à développer deux explications essentielles : d'une part, l'arbre pousse où il trouve à germer. Si bien qu'il n'est pas rare que nous voyons des arbres poussés tant bien que mal là où un écureuil ou un rongeur aura abandonné des glands ou des châtaignes, y compris dans des écosystèmes lui étant défavorables (par exemple dûs à la nature du sol) et pour le coup totalement incompatibles avec le cèpe. Il y a des bois, qui n'a jamais entendu un ancien s'étonner à ce sujet, d'apparence favorable où il n'y a pas, n'y a jamais eu et n'y aura jamais de cèpe... D'autre part un biotope peut réunir les conditions optimales et tous les signes extérieurs inclinant à penser que le cèpe y vient et vous n'en trouverez pas, soit que le cèpe n'y vient plus (ou alors de manière cyclique et très espacée), soit, beaucoup plus intéressant, qu'il n'y vient pas encore. Le cèpe, le champignon en général, ne sont parfois qu'une étape dans la vie d'un arbre. Je prendrai pour exemple le seul cas du chêne, aisément identifiable au plus grand nombre. La mycorhize du chêne avec le mycélium de cèpes, est effective lorsque l'arbre atteint la taille moyenne de ce qu'un individu de cette espèce devrait mesurer à l'âge de 7 ans et demi. (Pour les arbres, la taille importe plus que les années). Mais à cet âge, la symbiose ne produira pas de carpophore (le cèpe que vous cueillez). Il faut attendre que votre chêne atteigne la taille moyenne équivalente à l'âge de 20 ans pour son espèce, avant qu'apparaissent les premiers cèpes issus de l'association arbre-mycélium. In situ ceci signifie que si vous déambulez dans un écosystéme de chênes de taille moyenne inférieure à la taille de référence d'un chêne âgé de 20 ans, vous n'avez quasiment aucune chance d'y trouver des cèpes. En outre, lorsque le réseau de racines de l'arbre s'est considérablement étendu, il arrive que la relation productive arbre-cèpes deviennent superflue (l'arbre s'autosuffit et n'a plus besoin du mycélium du cèpe). Dans ce second cas, soit la production de carpophores cesse totalement, soit elle revient de façon cyclique (et dans des proportions parfois considérables), pour des raisons que les spécialistes peinent encore à expliquer. Si vous prospectez ce genre de secteur, il vous faudra le coup de pouce du destin de passer la bonne année au bon moment. Enfin, la maladie et la vieillesse rendent aussi bien les arbres inaptes à produire des cèpes.

Si l'on admet donc que les arbres sont des "indics" du cèpe à utiliser avec précaution et en toute connaissance de cause, plus près du sol, quelques plantes vous attendent qui seront vos plus précieux adjuvants dans cette quête...

Ces plantes qui trahissent les cèpes...

Après avoir présélectionné les bois à prospecter en priorité par l'identification d'essences d'arbres hôtes du cèpes, le chercheur en herbe pourra optimiser ses choix par l'observation d'espèces végétales des orées, des bordures et des près-bois. Je ne m'attarderai pas sur les bruyères, ravissants buissons de 15 à 80 cm de hauteur, ponctuées de ravissantes grappes de fleurs roses en grelots. Dans les mêmes biotopes, et souvent entrelacées, les très élégantes et très élancées fougères aigle, pteridium aquilinum, constituant parfois d'authentiques barrières végétales, sont aussi d'excellents indicateurs de présence potentielle de cèpes sous les arbres qu'elles ceignent.

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En bordure des sentiers battus, des chemins, près des ornières, des cours d'eau et dans les zônes humides, tout aussi bien sur l'orée qu'au plus profond des bois, vous rencontrerez aussi une autre plante commune, sous les ailes de laquelle, les cèpes, notamment les cèpes d'été aiment à s'abriter. Il s'agit de la laîche à épis pendants, carex pendula, une plante vivace de 0,60 à 1,20 mètres de hauteur. La laîche glauque, carex flacca, plus modeste, offre aussi l'hospitalité aux cèpes dans les mêmes conditions.

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Le carré magique du chercheur de cèpes...

À l'intérieur des bois, quatre plantes assez immédiatement identifiables, sont les témoins privilégiés des moeurs du cèpe...

Qui ne s'est jamais piqué au fragon, ou "petit-houx", ruscus aculeatus, buisson vivace à rhizome, haut de 20 à 70 cm, persistant tout l'hiver, aux feuilles ovales, alternes, coriaces, s'effilant en pointes épineuses au fruit rouge globuleux de 1 à 1,5 cm de diamètre. Le fragon, très répandu, accompagne les cèpes sur tout ou partie des bois. Dans les chênaies adultes, voisinant avec le lierre grimpant, hedera helix, il trahit la présence probable de somptueux cèpes noirs, boletus aereus, et de girolles, cantharellus cibarius.

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Le lierre grimpant ou rampant est une plante vivace, atteignant 30 mètres et persistant l'hiver. Ses tiges ligneuses pourvues de crampons innombrables lui donnent de s'accrocher à maints supports tels que les arbres, les parois, les rochers. Extrêmement répandu dans les couverts ombragés, il se signale d'emblée par la multitude de feuilles vert foncé et brillantes de ses ramifications. Le lierre est l'ami du cèpe. En cohabitation avec le fragon, le chercheur s'expose davantage à choir sur des cèpes noirs. En revanche, j'incline à penser que la collocation du lierre et du blechnum en épi, blechnum spicant, évoqué ci-après, prédispose le secteur prospecté aux cèpes d'été, boletus aestivalis.

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Le blechnum en épi est une fougère de taille modeste, 10 à 45 cm de long, souvent confondue avec les fougères mâles, dryopteris filix-mas, et les fougères femelles, athyrium filix-femina. il s'agit d'une plante vivace en touffes, à feuilles épaisses et lancéolées, qui colonise de ses troupes nombreuses et graciles les bois frais où se plaisent les cèpes, notamment le cèpe d'été.

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La dernière plante à connaître des apprentis chercheurs de cèpe, mais non la moindre, est le chèvrefeuille des bois, lonicera periclymenum, une plante vivace à tiges grimpantes, atteignant parfois cinq mètres de longueur ou de hauteur. Ses feuilles inférieures sont pétiolées, les supérireures sessiles, il fructifie en baies ovoïdes, rouge vif. Le chèvrefeuille des bois est très répandu et surabondant dans certaines parcelles de bois, à l'instar du lierre grimpant avec qui il s'entrelace volontiers. On trouve plus volontiers des cèpes d'été à ses côtés, mais les autres cèpes ne l'esquivent pas pour autant.

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Il va de soi que la présence des quatre espèces précitées en sous-bois, à forciori simultanée, infléchit sensiblement à la hausse les chances de succès de vos prospections, mais sans pour autant garantir l'omelette... À cet effet, l'apparition et la découverte de certains champignons peuvent vous aider à planifier et optimiser vos sorties. La venue des vesses-de-loup blanches dans les prés et en bordure des sentiers et des routes, de l'été à l'automne, celle des coprins et des agarics, notamment le fameux rosé-des-prés des familles, à l'automne, sont souvent les messagers d'une poussée de cèpes imminente, dans les jours qui suivent. Pour ma part, à la belle saison, mon plus subtil informateur est la psathyrelle de de Candolle, psathyrella candolleana, un petit champignon campanulé puis aplani, haut de 4 à 8 cm environ, au chapeau ochracé puis beige à blanchâtre, mesurant de 2 à 6 cm de diamètre communément, aux lames gris lilacin puis brun pourpré et à la marge appendiculée par les débris du voile. La psathyrelle de de Cancolle vient en troupes nombreuses, très ubiquiste, on la rencontre souvent dans les creux de chemins ou de sentiers où l'eau a stagné après l'orage, sourdant peu de jours après l'averse, elle me prévient de l'arrivée des cèpes, notamment les têtes noires, après les périodes de chaleur et de sécheresse.

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Enfin, Dame Nature dépose à vos pieds un merveilleux petit champignon blanchâtre farineux, le précédant de quelques jours ou contemporain du cèpe, et poussant parfois à quelques centimètres. Dû à son aspect, la tradition empirique populaire l'a surnommé "meunier", un autre surnom, de nature à vous alerter, a fait de lui la "mère du cèpe". De fait, son nom scientifique est clitopile petite prune, clitopilus prunulus. Haut de 2 à 5 cm, vaguement creusé en entonnoir et comestible apprécié, le meunier présente un chapeau large de 3 à 10 cm, blanchâtre à crayeux, évoquant parfois au sol les jolis nuages blancs de beau temps des dessins d'enfants en vieillissant. Il se reconnait aussi à sa puissante odeur de farine fraîche et à ses lames tirant sur le rose avec l'âge. Lorsque vous identifiez le meunier le cèpe n'est pas loin ou ne saurait tarder...

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En espérant que l'observations de ces essences d'arbres, de ces espèces de plantes et de ces quelques champignons seront votre lanterne sur le chemin du succès...

Adishatz !

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Commentaires
C
Merci
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Y
Bonjour <br /> <br /> Très intéressant ce documentaire formidablement bien expliquer.. <br /> <br /> Je constate que ma connaissance du cèpe et du bolet est bien médiocre.<br /> <br /> Je vous en remercie beaucoup..<br /> <br /> Yoly
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S
Super articles, c'est pas la première fois que je le lis mais cette fois je commente :).<br /> <br /> Je suis sur la région de Bordeaux et pour moi la blechnum en épi est souvent signe d'un coin d'Edulis et non d'Aestivalis mais sinon pour le tout le reste même constat :)<br /> <br /> Merci pour votre BLOG, il m'a beaucoup appris !
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P
Des maxi cèpes en 2016 en Normandie ! cf http://www.paris-normandie.fr/breves/normandie/photos-des-cepes-enormes-ramasses-en-foret-de-brotonne-en-normandie-AG7383882#.WCdaZvRRpQt
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M
Bonjour, super article, très instructif, j'étais aux champignons hier, et la plupart des éléments présents sur ton article (arbres et plantes), m'ont donné qques belles surprises ! Cependant, je suis en Charente, et j'aimerai bien trouver un endroit pas loin de chez moi avec un potentiel plus important à exploiter, même si j'en ai sorti 10kg, on en veut toujours plus, c'est tellement joli de l'avoir devant soi et de le ramasser et c'est à chaque fois pareil !<br /> <br /> Merci
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