Lundi 26 mars, vers 17h20, je faisais cours à Oloron, portes ouvertes car il faisait très chaud dans les salles. Quand, dans le couloir, je vis se profiler un jeune, apparemment connu des garçons de terminale car son apparition leur arracha un sourire entendu.

- E qui ei aqueste (et qui est celui-ci), fis-je à l'assistance visiblement interloquée et amusée ?

Me disant "adiu", l'inconnu entra et vint s'asseoir près des garçons. Comprenant instantanément qu'il s'agissait de quelque bonne blague, me piquant au jeu, je l'interrogeai :

- Adiu, quin t'apèras ? (comment t'appelles-tu ?)

- Que m'apèri Jérome...

- Ah, Geròni, e d'on ès ? (et d'où es-tu ?)

- Que soi de Bescat (je suis de Bescat), me fit l'intrus avec l'accent parfait et rocailleux d'un locuteur naturel, soulevant l'hilarité de la classe stupéfaite.

- E qué hès ací ? (Et que fais-tu ici ?)

- Qu'aví un conselh de classa, qu'èi d'aténder lo bús dinc a shèis òras e donc que passavi tudar lo temps. (J'avais un conseil de classe, je dois attendre le bus jusqu'à 6 heures et donc je passais tuer le temps.)

Après quoi il se fit prêter un document par ses voisins de table et comme je reprenais mon cours, il se mit promptement à participer avec une aisance stupéfiante. Quand, au bout de quelques minutes, il m'interrompit, les autres garnements pouffant de rire :

- Excusatz-me, e poish anar pishar ? (puis-je aller pisser ?)

- Ah, qu'as besonh d'anar taus comuns, que volès díser (tu as besoin d'aller aux toilettes tu voulais dire), répondis-je avec une envie de rire d'autant plus difficilement contenue que je flairais la provocation potache

- Non que m'estimi mei d'anar pishar (non je préfère aller pisser) reprit le garçon sans se démonter avant de s'absenter.

Lorsqu'il revint, je lui lançai, provoquant l'hilarité générale de la classe :

- E t'as plan vueitada la veishiga, mainat ? (As-tu bien soulagé ta vessie, mon garçon ?) Après quoi, progressivement, le cours put reprendre à peu près normalement jusqu'à ce que le bus le rappelle, environ 5 minutes avant la sonnerie.

De fait, il reparut le lendemain mardi, au bout d'une demie-heure de cours, prétextant qu'il trouvait cela plus agréable que de s'ennuyer dehors, en attendant son bus, il séjourna quelques minutes, participant avec brio aux activités de la classe, puis s'éclipsant avant la fin de la première heure. Reviendra-t-il, je n'en sais rien, est-ce souhaitable du reste, quoi qu'il en soit, il faut bien admettre que ce fantôme d'élève extraterrestre de Bescat nous aura bien faits rire.