Pourquoi il ne faut guère se fier à la clémence de l'hiver 2011-2012...
Contrairement au discours ambient, abondé par les verbiages médiatiques, je ne crois pas que nous soyons dans une logique d'hiver doux véritable, tout m'apparaît plutôt juste comme si "quelque chose" dans les agencements de la nature avait veillé scrupuleusement à ce que ces premiers mois d'hiver fussent sans froid, et que ce "quelque chose" était vraisemblablement en train d'évoluer ou de disparaître, simplement parce qu'aux yeux de dame nature ce "quelque chose" n'a plus de raison d'être...
Du reste, si l'abstinence totale de froid constatée ces dernières semaines, éveille mon plus grand scepticisme quant à la nature profonde de cet hiver sur lequel certains semblent déjà avoir tiré un trait, qui s'empressent de nous le dépeindre comme définitivement doux, c'est que précisément, il diffère en tout point de tous les autres hivers doux que j'aie pu observer à ce jour, tenant plus à un forfait déclaré par les frimas qu'à une interminable récurrence de journées printanières où les abeilles butinent les cognassiers en fleur, avec quelques gelées blanches intercalées. Si le froid décidément ne vient pas c'est qu'une barrière, un barrage ont été érigés contre lui, qui l'empêchent de s'écouler et de déferler comme il sied... Toute proportion gardée, nous serions presque dans un scénario à la janvier 1985, où les masses d'air froid furent très longtemps contraintes de s'accumuler et de s'intensifier près du Pôle Nord, avant de rompre la digue sous leur poids et d'envahir l'Europe et la France. Sauf que nous sommes déjà mi-janvier, et qu'à cette époque de l'hiver où nous sommes rendus, l'hypothèse d'un tel déferlement de froid, ravive immanquablement le souvenir de l'extraordinaire mois de février 1956.
Mon scepticisme et mes spéculations se nourrissent et s'avivent aussi de maints signaux que notre environnement nous envoie et auxquels le naturaliste scrutateur que je suis est particulièrement sensible. Ainsi, cela aurait-il échappé à beaucoup, j'ai noté que toutes les palombes avaient quitté leurs stations d'hivernage du Béarn pour d'autres cieux, ce qu'elles ne font pas en présence d'un hiver doux ou clément. De même, les grues semblent avoir gagné d'emblée leurs positions les plus méridionales, étant donné qu'aucun passage retardaire n'a été signalé lors des petits coups de frais de Noël et de cette semaine. Tout cela m'incline à penser que certains animaux se méfient, se méfient grandement de cet hiver 2011-2012 et que l'homme, son orgueil dût-il en souffrir, gagnerait à décrypter les comportements de ses colocotaires.
Pour terminer cette réflexion, qu'il me soit permis de citer ici ces quelques phrases magnifiques de Monsieur Jean Giono, un de nos plus grands écrivains, évoquant le terrible mois de février 1956 :
« Après le rude hiver de 1956, on vit apparaître le squelette des oliviers. Jusque-là, ils avaient été grecs de la belle époque; brusquement, ils s’étaient dépaysés, ils avaient voyagé dans le temps et dans l’espace jusqu'à la brutalité et la sauvagerie des totems, ils couvraient désormais les collines de diagrammes rituels. Ce que les poètes avaient fait du chevalier, de la dame, du moine, du roi, du pape, de l’empereur du Moyen Age dans les danses macabres, le gel l’avait fait avec les arbres, et surtout avec les arbres éternels. »