De l'imbécilité de la tentation du vote obligatoire...
Parfois, face aux urnes désertées, je m'effraie d'entendre autour de moi : "rendons le vote obligatoire !" D'abord c'est oublier un peu vite que tout le monde n'est pas capable de voter, que nul n'est tenu d'aimer ou de s'intéresser à la politique. Voter ne peut être que le résultat d'une démarche citoyenne volontaire. Ensuite, rendre le vote obligatoire servirait surtout les intérêts mesquins de ceux qui, en France, veulent dissimuler le mal-être du peuple et le fossé grandissant qui le sépare des élites gouvernantes. Obliger le peuple au vote, loin de provoquer un électrochoc civique salutaire, signerait en creux un aveu de faiblesse et d'échec de la part d'un système dont l'immoralité et l'impuissance pérennes ont précisément contribué à vider cet acte fondamental de sa substance et de son attrait. Si la grande majorité de nos concitoyens n'étaient pas habités par cette intime conviction que voter ne sert plus à rien, sauf à obtenir un supplément de beurre ou de crème dans les épinards, mais qu'au contraire, le verdict des urnes influe de façon significative sur le cours de leur existence, nos bureaux de vote n'auraient jamais désempli. En France, actuellement, légiférer sur le vote obligatoire comporte aussi le risque non négligeable de voir les urnes vomir des résultats fort déplaisants. Enfin, je vous le dis, non au vote obligatoire parce que personnellement, attaché à la liberté et à l'implication citoyenne spontanée, je n'en puis plus de ce pays rabougri qui croule sous des couches sédimentaires d'interdits et d'obligations...