La romanisation de la Gascogne
Histoire de la Gascogne
La Romanisation de la Gascogne
La Novempopulanie, la langue
César souhaitait un empire sans frontière politique et sans discrimination raciale pour une élite. Il créa les Julii à Lectoure et Bordeaux. Auguste, son successeur, après avoir lénifié l'Aquitaine la dote d'un cadre politique et administratif, liant les peuples Lactorates, Convènes et Consorani et ceux soumis par Crassus ; Il reconstitue ainsi la Gascogne primitive et l'inclut dans la grande "Provincia" qui s'étend des Pyrénées aux rives de la Loire et qu'il appelle "Aquitania". Mais les Romains aperçoivent vite qu'ils mélangent des Aquitains avec des Gaulois nettement différenciés par leur nature et leur langue. Aussi l'Aquitaine jouira bientôt de statuts particuliers. En août -12, Drusus13, gendre de l'empereur et gouverneur de la Gaule fait célébrer une messe à la gloire de Rome et d'Auguste. Rome contribue à l'essor d'une aristocratie autochtone vivant des richesses générées par la vaisselle arétine ou le vignoble bordelais dont l'exportation sera très rapidement facilitée. L'acclimatation du cèpage Biturica fut une première en dehors du pourtour méditerranéen. Pour accélérer l'édification d'une élite locale, des collèges romains virent le jour : les "Jovenes" (juvenis/juvenes en latin classique) à Bordeaux, Les "Juvenes a fano Jovis", les "jeunes dévoués à Jupiter" à Agen. Quelques corporations furent créées à Bordeaux et à Saint Béat : forgerons, potiers, menuisiers, cordonniers, cabaretiers. À Saint Béat plusieurs "officinatores" (chefs de chantier) et "marmori" (ouvriers qualifiés). L'onomastique, les fonctions militaires, les charges municipales ont trait aux citoyens privilégiés, principalement des citadins. À Saint Bertrand de Commenges la romanisation de l'élite est plus avancée (un tiers des citoyens recensés ont vécus au 1er siècle ap-J.C. Les fonctions militaires sont peu représentées : deux légionnaires à Auch. Bordeaux est élevé au rang de "Municipium" Romain (élite urbaine fortunée servant les intérêts de Rome). La Romanisation est rapide et profonde, elle fait émerger une élite autochtone sous-jaçante et confortée par l'arrivée des Romains. Trois grands groupes sociaux furent isolés : les aristocrates / les autochtones et les étrangers / les esclaves et les affranchis. L'élite s'apparente à une caste mais pouvant occasionnellement faire montre de générosité : à Saint Bertrand de Commenges Publicius Salonus offre à ses concitoyens des tables et piédestales. À Agen Capito et sa femme, Julia, offrent un corridor avec un mur aux Junons Augustes. Un siècle après Auguste, Trajan, procurateur impérial est placé à la tête des Gaules Lyonnaise et Aquitaine. Lectoure devient centre de perception des impôts des peuples du sud de la Garonne ainsi que d'enrôlement militaire des Aquitains du Sud clairement distingués de ceux du Nord. Revigorés par ces faveurs, bientôt les Gascons se prennent à rêver d'un pouvoir régional. Ils obtiennent satisfaction aux 2èmes et 3èmes siècles ap-J.C. Vespasien14 leur donne Burdigala pour capitale. Ayant Eauze pour capitale, la Novempopulanie naît d'une réforme de Dioclétien15. Ses neufs composantes sont : les Elusates (Eauze), les Tarbelli (Aquenses, Dax), les Aturenses ou Tarusates (Aire-sur-Adour), les Bigerionnes (Bigorre), les Convenes (Saint Bertrand de Commenges), les Consoranni (Saint-Lizier en Couserans), les Ausci (Elimberris/Auch), les Lactorates (Lectoure), les Boïates (pays de Buch jusqu'à Bazas). À une trentaine de peuples aquitains primitifs ne correspondent plus que neuf peuples, neuf cités gallo-romanes jugées primordiales par Auguste pour remédier au morcellement de l'Aquitaine. Pour sa part, Burdigala devance Saintes au rang de capitale de Province au 3ème siècle. Le gouverneur d'Aquitaine, légat de l'Empereur est chef des forces armées et de la police, juge suprême, inspecteur des bâtiments et travaux publics, protecteur des citoyens et tuteur de la ville. Il contribue à romaniser la province. Quelques gouverneurs comptent dans l'histoire de l'Aquitaine : Julius Agricola16, L. Octavius Cornelius17, Salvius Iulianus Aemilianus18, P. Flavius Pudens Pomponianus18. Tous identifiés par leur attention à l'administration financière, l'absence de lois contraignantes et d'une surveillance trop étroite. Aussi l'Aquitaine restera-t-elle fidèle à Rome. Dans les cités des élections ont lieu tous les ans. Au IVème siècle de nouveaux peuples émergent. La notice des Gaule19 mentionne les Benearnenses (Lescar), les Illuronenses (Oloron) et les Vasates (Bazas). La plupart de ces cités gallo-romaines de "stipendiarii". Au temps d'Auguste cependant, les Convènes et les Ausci jouissaient du titre convoité de colonie Romaine qui mettait en exergue une cité autochtone. À Saint Bertrand de Commenges et à Eauze au IIIème siècle, l'organisation municipale ne montre aucune originalité : le pouvoir est réservé aux aristocrates fonciers réunis en conseil municipal inspiré de l'ordre des décurions. En outre quelques magistrats sont renouvelés chaque année : les "Quattuor viri iure dicundo" de Sent Bertrand de Commenges et les "Duo viri" à Auch, Dax, Eauze et en Couserans. On rencontre aussi des quêteurs en charge de l'administration financière à Dax, Eauze et plusieurs cantons "pagi" et bourgs "vici" héritent d'un saupoudrage administratif. Pourtant et malgré la domination des Romains les Gascons n'ont guère changé, ils ont perpétué leurs propres noms indigènes proches du basque, notamment vers les Pyrénées. Ces noms sont vernis de romanisation. Il apparaît aussi que quelques "negotiatores" romains venus en Aquitaine se sont fondus dans la population. Beaucoup d'esclaves grecs ont migré dans la région à cette époque quoique proportionnellement moins nombreux que dans l'ensemble de la Gaule.
Fondamentalement peu affecté, le peuple aquitain va connaître un bouleversement linguistique. En deux ou trois siècles et d'est en ouest depuis Narbonne, le latin, langue des vainqueurs va s'imposer naturellement aux vaincus, d'abord dans les centres urbains puis dans les campagnes. Dans le dialecte Gascon moderne quelques vestiges du substrat aquitain subsistent, surtout vers les montagnes : artiga (Artix, Artiguelouve, Artigeloutan,...) = terrain défriché, friche ; gave (Gabas, Gabaston,...) = torrent, gave ; nauza = prairie marécageuse, Neste = rivière. À Salies de Béarn le "Bayaa" (place du centre-ville) = vallée encaissée et marécageuse. Mais le latin a triomphé partout, évinçant le Gaulois (celte) du Nord et cantonnant le Basque (Ancien Aquitain) dans ses frontières actuelles, un repli des Pyrénées. Mais cette langue a contribué à faire de ces peuplades jusque-là primitives un peuple doté d'une réflexion, d'une sensibilité et capable de s'exprimer, authentique dimension culturelle héritée de Rome. Le goût des aquitains pour l'épigraphie l'atteste, surtout à l'est de la Gascogne et dans les villes : 600 inscriptions en Commenges (davantage qu'à Bordeaux, Auch 100, Lectoure 50, Eauze 20, 18 en Bigorre, 15 à aire-sur-Adour, Lescar et Oloron, 10 seulement dans la région de Dax). Le pays Basque n'a consenti aucune inscription romaine. En outre un goût pour les lettres et la poésie latine se fait jour localement. Le "duum vir" auteur de l'inscription d'Hasparren voulait s'exprimer en vers et une auscitaine a commis une épitaphe remarquable et métrique sur la tombe de sa petite chienne Myia (la mouche) : "Comme fut douce et tendre celle qui, de mon vivant se posait sur mon sein, toujours compagne de mon somme et de mon lit. Quel grand malheur Myia que tu sois morte ! Tu aboyais si quelqu'un se couchait près de moi, rival amoureuse de ta maîtresse. Quel grand malheur Myia que tu sois morte ! Maintenant tu es enterrée, sans conscience dans la profondeur d'un tombeau. Tu ne peux plus te mettre en colère ni bondir. Tu ne peux plus t'amuser à me prodiguer la douceur de tes morsures". Ces vers seraient inspirés de ceux de Tibulle sur le moineau de Lesbie et de ceux de Martial sur la mort d'une autre petite chienne.
La vie économique et sociale
Les pâtres pyrénéens sont parmi les derniers à perpétuer leurs édifications en pierres. Hormi quelques secteurs reculés, de nouvelles tecnhiques de construction sont adoptées partout : mortier, béton, pierres taillées, briques cuites et tuiles. Parallèlement, les agglomérations préexistantes, groupements de cabanes perchées sur les hauteurs dominant un cours d'eau, profitent de la paix intérieure pour doubler leur superficie. Cette évolution se produit un siècle ap-J.C. Ces extensions sont caractéristiques de l'urbanisme romain. Leur construction est planifiée, les rues se coupent à angle droit sur un axe sud-nord (cardo), ouest-est (decumanus) sans la regularité des camps militaires ou d'une colonie Africaine comme Timgad. Les rues sont pavées ou dallées et pourvues de trottoirs et de larges fossés tandis que des aqueducs captent l'eau des sources prisée des romains et les acheminent vers les centres-villes. Celui de Saint Bertrand de Commenges drainait une importante résurgence du trou de Génerest et, relayée par un château d'eau, pouvait fournir à la ville-basse entre 6 000 et 13 000 m3 par jour. Les cités de la Novempopulanie sont dotées de monuments publics quoique manquant d'originalité. Saint Bertrand de Commenges : un forum long de 74 mètres et large de 41 mètres, des places ouvertes, un temple héxastyle de conception romaine, dédié au culte de Rome et d'Auguste avec un autel géant, une grande basilique couverte de 62 mètres de long et 26,5 mètres de large, des thermes publics (bains à vapeur, bains de siège), un théâtre deux fois plus petit que celui d'Arles, un amphithéâtre. Ces édifices sont en béton recouvert de moellons calcaires et de briques. Au IIème siècle on ajoutera un peu de marbre dans les parties nobles. Les maisons de l'aristocratie municipale sont chauffées par hypocauste, parfois aménagées pour le bain. Ces villes ne furent jamais très peuplées : Saint Bertrand de Commenges de 7 à 10 000 habitants, Auch et Lectoure de 5 à 10 000, Bordeaux et Toulouse de 20 à 25 000. Au début de l'ère Chrétienne la plupart des aquitains vivaient de fait en campagne. La romanisation transforme le paysage, nos villages actuels découlent de la villa gallo-romaine : corps de bâtisses, résidence du maître, communs, maisons des "colons" ou fermiers, bâtiments d'exploitation, étables, écuries, grange, four, forge et autres ateliers (Lalonquette en Béarn, Sevinc près d'Eauze, Beaucaire sur Baïse, Cadilhan Saint Clar, Frans, Arnesp dans la vallée de la Garonne). Le maître des lieux ne fut que rarement le descendant d'un conquérant romain mais le plus souvent celui d'une famille indigène anoblie. D'inspiration gréco-romaine autour d'une cour centrale la demeure reflète la condition du maître qui commande à une domesticité nombreuse et à des ouvriers et artisans agricoles dont le statut de servitude n'est pas toujours observé. Une villa peut compter jusqu'à 300 ou 400 personnes voire davantage ce qui favorisa l'édification de fermes de plus en plus éloignées. La villa exploite des centaines ou des milliers d'hectares. Chiragan : 1 000 hectares de terres labourables, 100 hectares de prairies, les friches, les pacages et les bois, peu à peu la demeure prend l'allure d'un palais. Le sol est mis en valeur et identifié par une consonance latine dûe au nom de son propriétaire : anum (an), acum (ac-acq), ossum(os). La villa de Nepotius : Nébouzan (Montmaurin). Les terminologies en ac seront encore plus nombreuses aux IIème et IIIème siècle. Elles demeurent rares là où les terres sont pauvres, essentiellement au Nord des Landes. La récurrence des toponymes en "os" va croissante à l'approche des Pyrénées : Arguènos, Andernos, Bernos, Biros, Biscarosse, Garros, Urdos... Au sud de la Gascogne ces toponymes attestent la résistance autochtone. Mais par delà sa diversité toponymique le monde agraire de la Novempopulanie fit montre d'une unité certaine. Bordeaux tient déjà sa richesse de la viticulture dont elle exporte la production et tend à en retirer une fierté généalogique, embryon d'autorité "virile" et sociale. Un Auguste ayant concédé à la Novempopulanie une certaine autonomie fiscale et financière et les dépendances s'éloignant subrepticement des maisons de maîtres un souffle léger d'émancipation bruissaient alors sur la Gascogne.
Pour quelques notables l'Aquitaine sert de tremplin social. Mais cette promotion sociale est quasiment innaccessible à la multitude. Bien plus que l'enrôlement dans l'armée, le mariage mixte est pour elle une chance inespérée de gravir les échelons. Ces gens de condition modeste tendent cependant à s'enrichir au détriment d'un afflux de main d'oeuvre généré par l'exode rural. En outre, certaines dédicaces semblent attester une forte immigration : Une Trévire belge fut enterrée à Saint Bertrand de Commenges. Mais sur ce plan, Bordeaux, où les étrangers viennent en masse, tira une fois de plus son épingle du jeu. La langue grecque y fut comprise et parlée. Syriens, Espagnols, Bretons, Belges, Germains abondent ce flux migratoire. La Gascogne n'est plus isolée du reste du monde et timidement, un ascenseur social se met en place. Beaucoup d'esclaves furent recensés à Auch, Lectoure, Bordeaux, Périgueux. En Commenges un esclave fit une dédicace à ses compagnons. Romains, parfois Grecs, ils démontrent le lien entre Provincia et Gascogne. Dans les villes les plus romanisées ainsi que chez certains particuliers, les affranchis sont assez nombreux. Ces fonctionnaires enviés accordaient à leur tour ce statut à leurs esclaves. Les affranchis se constituent en collèges de "Sévirs Augustaux20".
En ces temps reculés et précaires la richesse des hommes repose essentiellement sur la terre où viennent des céréales : du millets vers les Landes aux terres indigentes et sablonneuses, du mil dans l'arrière-pays aux sols nettement plus fertiles. Le mil, foisonnant chez les Convènes et les Ausci entrait dans la confection de bouillies. Les écrits de Salvien21 prêtent aux plaines et terrasses de la Garonne ainsi qu'à la vallée du Gers une production de blé en quantité comparable à celle du Toulousain jusqu'au Vème siècle. On exhuma dans une villa de Caudeilhan Saint Clar un moulin à traction animale. Il n'est pas exclu que du blé fût exporté vers l'Espagne pour pallier une famine dans les Cantabrique. Dès le IIème siècle le vin de Bordeaux irrigua la Novempopulanie et dens feuilles de vigne furent gravées dans le marbre des villas comme à Montmaurin. Ceci étant peut-être concomitant d'un début d'extension du vignoble bordelais à l'ensemble de la Gascogne. Mais les nouvelles productions ne supplantent pas l'élevage ni l'exploitation même sporadique de la forêt, ni la chasse, apport non négligeable dans l'alimentation quotidienne d'un Gascon. Les ovins sont déjà très répandus dans les Pyrénées qu'ils partagent avec quelques bovins. En Bigorre on tisse de lourds manteaux de laine très prisés. Dans les collines de Gascogne le cheptel était plus fourni, surtout en bêtes de somme ou de trait. Dans la villa de Chiragan on put identifier une trentaine de paires de boeufs et une quarantaine de chevaux qui approvisionnaient aussi la boucherie. En outre les vestiges retrouvés permettent de soutenir que la population prélevaient peu de gibier.
L'extraction des richesses du sous-sol démarre peu de temps après l'agriculture. Si l'or des Tarbelli était probablement une légende, le fer est exploité depuis le début du millénaire. Les filons de tailles modestes sont disséminés dans la Gascogne occidentale : Pyrénées, Landes. Le minerai est réduit dans des fours rudimentaires. Un industrie métallurgique restreinte se développe en Couserans, Bigorre et dans le Condomois où presque dans tous les villages et bourgades existaient une fonderie et une forge et l'on put confectionner les outils de la vie courante (cultivateur, bûcheron, charpention, charron). En outre le calcaire blanc marmoréen des Pyrénées qui a servi a édifier la ville basse de Saint Bertrand de Comminges et dans les Petites Pyrénées la villa de Montmaurin est exploité dans des carrières à ciel ouvert des environs. Cependant, les Aquitano-Romains prisent le marbre grossier, blanc, gris ou bleuté dont Saint Béat et Sot devinrent un centre de production et qui permettra de sculpter le trophée Augustéen de Saint Bertrand et les hauts reliefs des travaux d'Hercule. On y taille des milliers d'autels votifs (tauroboliques de Lectoure), des bustes funéraires, des auges cinéraires, des colonnes, des chapiteaux, des entablements, des lambris. On retrouvera ces marbres jusqu'à la Loire. D'autres marbres sont moins connus : Aubert en Couserans, la Penne Saint-Martin (vallée de la Garonne dans la Barousse, "Vath Rossa en occitan à Sost), Sarrancolin en vallée d'Aure. Pendant des siècles les marbrières vont rythmer la vie des vallées, terres de pastoralisme, surtout en Comminges. Mais là où la terre est avare en pierres, on optera pour la brique cuite et les tuiles, surtout dans les sols argileux. Les ateliers de brique demeureront artisanaux. Avec la brique quelques ateliers travaillent la céramique comme à Galone où on a confectionné des lampes en surmoulage, de la vaisselle metallescente et cuivrée, des tasses et des gobelets, des vases écoulés dans l'Est de la Province à Saint Bertrand, Auch et Lectoure. Dans ces cités des potiers plus modestes conçurent de la vaisselle ordinaire (plats, assiettes, bols, cruches, pichets, terrines, écuelles, marmites, pots ovoïdes de couleur noire ou grise, rougeâtre inspirée de la protohistoire destinée à une population n'usant que peu de verre ou de métal).
À l'activité économique locale s'est superposée une production destinée à l'exportation qui relie l'Aquitaine à l'ensemble de la Gaule et du monde Romain. La Garonne sert à transporter les marbres, les calcaires ainsi que les amphores de vin depuis Toulouse ville sise sur le point de rupture de charge où la voie fluviale déleste les "viae" pédestres venues de Narbonne par le Lauragais et le seuil de Naurouze. Le trafic impérial fut probablement intense et dès le 1er siècle les céramiques sigillées de Montans ont descendu le Tarn et la Garonne et il n'est pas exclu qu'ils aient remonté les petits fleuves de la rive gauche. Dès le IVème siècle le blé sera transporté sur le Tarn et les rivières Pyrénéennes. Mais en Gascogne, dépourvue de voie navigable, les romains tissent un réseau routier dense et diversifié sur les pistes autochtones. Chaque cité est desservie par des voies secondaires. Simultanément de grandes routes relient la Gaule et l'Espagne : la Table de Peutinger, l'itinéraire d'Antonin, l'itinéraire de Bordeaux à Jérusalem et les futurs chemins de pélerinage du Moyen Âge. La Novempopulanie offre les distances les plus courtes de la Méditerranée à l'Océan et est essentiellement dotée de voies Est-Ouest Toulouse-Lectoure-Bordeaux, Toulouse-Auch-Eauze, Toulouse-Saint Bertrand de Comminges-Lourdes-Lescar-Dax. Il existe cependant quelques recoupes Nord-Sud : Agen-Lectoure-Auch-Saint Bertrand de Comminges. Plus à l'ouest la préhistorique Ténarèze, Lescar-Oloron-Somport-Huesca, Bordeaux-Dax-Pampelune. Certains cols des Pyrénées occidentales ont été rendus carrossables (Somport, Ronceveaux), les autres demeurèrent peu fréquentés. Hormi en montagne où elles furent taillées dans le roc, les "viae" romaines consistèrent en une légère couche de galets ou de blocs chapeautés d'une strate de cailloux et de sable rouillés et ne furent que rarement jalonnés de bornes militaires, ou alors ultérieures comme le milliaire de Labarthe-Rivière et un fragment trouvé sur les remparts daquois. Trois autres milliaires vers Agen : Philippe l'Arabe, Valérien et Gallien et celui inachevé de Carin César (282-283 ap.J-C). Sur la via d'Agen à Saint Bertrand de Commenges furent découverts les deux milliaires de Constance et de Constantin César (305-306) servant de nos jours de bénitiers à Crastes et Castelnau-Magnoac. Enfin un dernier milliaire fut découvert au nom de Maximilien Hercule dans la vallée de Campan. Ces milliaires devaient jalonner les viae du Sud de la Gascogne tous les 1500 mètres en des carrefours et points spécifiques de la via. Par delà cette carence les "viae" de la Novempopulanie étaient pourvues de relais tous les 15 à 18 km et de gites d'étape tous les 52 km par lesquels transitent les courriers officiels, les chevaliers, les voitures, les animaux de bât et les charrois lourds. Ce trafic qui perdura jusqu'à l'avènement du chemin de fer a fait vivre des aubergistes, des palefreniers, postillons, muletiers, convoyeurs et colporteurs et permis d'acheminer les marbres blancs et polychromes pyrénéens, la vaisselle luxueuse de Montans et la Graufesenque, les amphores de vin Italiennes d'Auguste, des huîtres et des fruits de mer de la Méditerranée. Ces marchandises se diffusent généralement d'est en ouest.
Les apports de la Romanisation
Les viae Méditerranéennes contribuèrent à la romanisation de l'Aquitaine (langue, engouement pour l'épigraphie) et malgré un fond ethnique inchangé les hommes s'attachèrent à romaniser leur nom et à se faire naturaliser jusqu'à l'Edit de Caracalla22 qui naturalisa les hommes libres de l'Empire en 212. Les autochtones cherchent à imiter les familles qui obtinrent la naturalisation des grands conquérants (Pompeii, Valerii : Pompée, L. Valerius Messala), Sergii Pauli et Julii. Ainsi sur les 600 inscriptions commingeoises 58% étaient des noms latins, 42% des noms aquitains ainsi que de rares gaulois. Le nombre de patronymes indigènes chute à 22% et 10% à Saint Béat et Luchon et au coeur de la Gascogne. L'onomastique aquitaine atteint 30% à Auch pour 70% latine (dont 1/3 portée par d'anciens esclaves grecs affranchis.) Cependant le degré de romanisation, fût-il uniquement patronominal, resta bien moindre dans les régions pauvres en inscriptions et parmi les strates les plus pauvres de la population. Ceci trahit une binarité des mentalités : une romanisation acquise d'une part et la persistance d'un substrat aquitain d'autre part. À Burdigala ainsi qu'à Saint Bertrand de Comminges on recensa quelques tria nomina. Dans les campagnes la romanisation ne progresse que très lentement. Elle est même indécelable près des Pyrénées. La coutume Celte voulait voulait qu'un individu marque sa lignée en faisant suivre son nom unique de l'indication de celui de son père. Les montagnards observent ces coutumes jusqu'au IIème siècle. Les surnoms autochtones sont alors abandonnés et remplacés par les tria nomina. On dénombre très peu de surnoms aquitains aux abords de la Garonne, mais des surnoms grecs et quelques surnoms Celtes vers Bordeaux. À Auch les noms celtiques sont minoritaires et les noms ibères et pyrénéens dominent (racines et terminaisons en Sem, Mar, And, ex, oss, on, is, e) ainsi ques des noms basques, Orguarra, Bontar, Orcotar, Oro, Bihuotus, Estecen, Odoxo, pouvant tirer leur nom de dialectes Pyrénéens antérieurs au Basque.
C'est dans l'attitude religieuse que l'évolution des mentalités est la plus patente. Le polythéisme aquitain est attesté par des ex-voto et des monuments figés mais une touche d'originalité témoigne d'un archaïsme éloigné de toute eschatologie, cosmologie ou morale. Ainsi, sur une dédicace de Saint Bertrand de Comminges figure Mercure, grand dieu gaulois substitué à Minerve. Ce qui ne signifie pas que la théologie des druides aient éxercé une influence réelle en Gascogne. Le Gascon privilégie les divinités familières qu'il couvre d'offrandes afin de se préserver des maléfices et de s'assurer leur bienveillance. Ces divinités doivent être très proches de lui jusqu'à en être topiques : montagne, sommet, clairière, vallée, village, bouquet d'arbres ou hêtre majestueux. Les fidèles vénèrent pleinement leurs dieux. Sur les carières de marbre de Saint Béat le dieu Erriapus se vit offrir plus de cinquante autels. Ces dieux remontant à la préhistoire Aquitaine furent romanisés sans perdre leur âme. Représentés sous forme humaine sous l'influence de l'anthropomorphisme gréco-romain, ils furent incorporés au panthéon classique (Mars, Mercure, Jupiter) par leurs traits tout en conservant leurs spéficités pour les autochtones. Cette religiosité est renforcée par la fascination qu'exercent les sources d'eau chaude jaillissantes (vie, renaissance) : le dieu Ilixo de Luchon et les Nymphes). Le thermalisme découle de ces croyances qui voulaient que l'eau guérisse par sa force mystérieuse, bienfaisante et divine. Aquae était le nom de ces stations Pyrénéennes : Aquae Tarbellicae (Dax), Cauterets, Bagnère de Bigorre, Vicus Aquensis, Cadéac, Capvern, Ilixo (Luchon). Au nord-est de la Gascogne Castéra-Verduzan, Barbotan. À la foi indigène les romains adjoignirent une thérapeutique utilitaire. Les établissements s'inspirèrent de leurs luxueux collègues italiens, notamment Luchon magnifié par Strabon au Ier siècle. La clientèle en est internationale et Auguste y vint en cure.
Les cultes romains se sont imposés en coulant sur les dieux indigènes l'image à peine modelée des dieux nouveaux. Ce ne sont que des noms inédits pour des principes bien établis : Diane pour les forêts, la montagne et la chasse, Sylvain pour les bois, les pâturages et les troupeaux ainsi que les marbrières. Les épithètes de Mars, Mercure et Jupiter masquent mal l'origine des dieux locaux sur lesquels ils sont greffés. Le panthéon romain fut bien accepté même dans les campagnes. Le niveau social des fidèles, incluant quelques autochtones, trahit la pénétration de la romanisation. Le culte cimente les couches sociales. S'agissant des dédicaces, seul Saint Bertrand de Commenges semble avoir aménagé un concilium spécifique pour les aquitains. Mais les Gascons continuent à célébrer leurs propres dieux que les romains respectent. Ainsi, près des Pyrénées, le surnom de la divinité autochtone a-t-il pu coexister. Jupiter ("le Très bon et Très grand" à Mérignac) s'appelait Beisserisse "le protecteur des voyageurs" à Lescure. "Auctor bonorum tempestatem" pour la clémence des saisons et la réussite des récoltes. Cependant la terminologie de "Jupiter le Très bon et Très grand" reste la plus répandue dans tout le reste de la Gascogne notamment en Commenges (25 autels lui furent dédiés). Il fut adoré par les citoyens romains imités par leurs domestiques et les pélerins (adoration plus politique que religieuse). Par ailleurs Hercule s'appela aussi "Toliaudessus", Mars le "Herenn", "Arixo", "Sutugi", "Lehlunnus", "Dahus". Certaines divinités des arbres (Sex Arbores en Commenges), des monts, des nymphes, des sources, des vents et du soleil ont survécu au prix d'une simple latinisation du nom indigène. De même a-t-on pu attester la combinaison de divinités romaines et indigènes (Diane <=> Horolat, Mercure, Mars, Hercule <=> Sirona) d'une part et des attributions indigènes aux dieux romains d'autre part : Jupiter prend la forme de serpents ou d'une roue, Mercure porte une barbe ou des cornes et présente parfois quatre têtes. Hercule est un serpent aux jambes croisés. Ces hybridations participent de l'avènement d'un véritable panthéon gallo-romain générant une architecture nouvelle inspirées de traditions indigènes rondes ou carrées. Le temple est la "cella", ceinte d'une large galerie pour les processions circulaires, surtout à Bordeaux. Cet esprit de tolérance et cette souplesse permettent aux romains d'ériger les statues de Claude, Trajan, Plotine à Saint Bertrand de Commenges, Marc Aurèle et Faustine à Lectoure, Diaduménien, Alexandre Sevère et sa mère Julia Mammaca à Eauze pour le culte impérial. Seuls les chefs lieux de cités ont dressé des statues aux empereurs. Le culte impérial ne sort pas des milieux officiels. À Bagnères de Bigorre un autel est consacré au Numen Augusti, au Vicus Aquensis à Lectoure. En 176 et 241 les décurions font célébrer des tauroboles pour le salut de Marc Aurèle. À Saint Bertrand de Commenges des prêtres furent chargés d'un culte et des Flamine impériaux requis dans l'aristocratie des Tarbelli et des Elusates. À Auch exista parmi les affranchis un collège de sevirs augustaux unique dans la Novempopulanie. Ces manifestations répondent plus à une manifestation de loyalisme romain qu'à un fort sentiment religieux.
Mais les vallées pyrénéennes qui puisent dans une piété antérieure remontant à des croyances préhistoriques (Basques, Aquitains, ...) localisent leurs adorations : à Caumont en Couserans on célèbre Andèi, à Saint Bertrand de Commenges Aberri, à Tibiran Ilurbirixo. Il existe des sanctuaires modestes comme Herauscorritsche à Tardets, au Dieu Erye à Montserié, à Eriappe à Saint Béat, à Sutugi à Saint Plancard. Ces dieux ne sont pas adorés seuls mais avec un dieu romain car les deux systèmes religieux sont en contact étroit. Et certains romains tels que les Pompée Pauliniani et les Artistii du Commenges pratiquent le culte des divinités autochtones. Le sud de la Garonne jouit d'une grande liberté de croyance et des apports de religions orientales : culte de Cybèle à Labrouquère (Commenges), Chiragan et Bordeaux, mais surtout à Libourne, fortement hellénisée. Procession, sacrifice du bélier ou du taureau, égorgé par le Harpi, régénération du myste dans sa fosse après réception du sang, parfois castration. Au II° et III° siècle la présence des divinités égyptiennes fut attestée : Isis à Auch et Chiragan, Harpocrate à Chiragan ainsi que Jupiter Serapis, Mithra dans la vallée de la Neste. Très tôt apparaissent les inscriptions funéraires romaines. La province est un véritable conservatoire d'attitudes funéraires tombées en désuétude à Rome (le mari et la femme se tiennent encore par la main droite au II° siècle). L'iconographie révèle la vanité des chefs de famille, la coquetterie des jeunes femmes, la grace des enfants tenant des fruits. Quelques traits de hellenistiques sont également isolés à Lectoure où la femme est valorisée voire dirige le culte ainsi qu'à Bordeaux où de surcroît maîtres et esclaves échangent des politesses.
Religion et culte des morts fournissent en effet le prétexte à transactions originales : à Bordeaux les maîtres affranchissent leurs esclaves en échange d'une sépulture (clientélisme Gaulois). Quoique moins nombreux en Gascogne, les notables s'adonnent ainsi à des transferts sociaux et financent l'amélioration des villes. Artistiquement le territoire est à la traine. Ses maisons sont d'inspiration romaine tout comme son urbanisme dont les commodités de circulation priment sur l'esthétique du forum, des monuments civils et religieux, des théâtres et amphithéâtres. La sculpture atteste l'influence romaine sur l'art aquitain. À Bordeaux et Saint Bertrand de Commenges des modes de cour gagnent puis s'effacent : ainsi aux longs cheveux en avant au Ier siècle préfèrera-t-on une coupe très simple sous Trajan23. Au III° siècle on observa des scories grecques sur des monuments couronnés de fronton avec niche allongée contenant un personnage debout. Des effigies de jeunes chefs aquitains perpétuent les coûtumes autchtones. Hormi Amabilis24 à Bordeaux les artistes sont assez gauches et inhabiles. L'art inspiré des thèmes de la protohistoire et préhistoire subsiste dans les vallées pyrénéennes sur des stèles-maisons ou discoïdales. En dehors des Pyrénées l'expression artistique trahit une certaine unification de la Gascogne sans pour autant tarir la production locale. Ausci, Convènes, Lactorates et Elusates entre autres se piquent de piliers et piles funéraires. On assiste à un brassage d'influences méditerranéennes et de résurgences aquitano-celtes. Mais de fait, le chef d'oeuvre artistique incontestable de l'Aquitaine Romaine est né sous la plume d'Ausone25. [ Note : Ausone vécut après la période la plus faste de l'Aquitaine Romaine mais j'ai considéré que son oeuvre du IV° siècle était en quelque sorte le fruit le plus parfait de l'enrichissement culturel d'un peuple après plusieurs siècles de maturation continue. C'est pour cette raison que j'ai décidé de l'évoquer à ce stade de mon propos.] Ausone naît à Bordeaux en 310, aîné d'Emilia Aeonie (de Dax) et de Julius Ausonius (de Bazas). Il étudie à l'Université de Bordeaux dont il deviendra maître prestigieux et poète. C'est un rêveur mais il est aussi doté du bon sens des terriens. Il aime la terre, se prête peu au lyrisme et fait plutôt montre d'un épicurisme nostalgique empreint de fierté ancestrale. C'est un poète-paysan aimant les orages, la grêle et la sécheresse. Sacralisant la nature, les nuées, les migrations, les étés, vouant un culte aux saisons, à l'éternelle renaissance, son oeuvre élude toute considération métaphysique. Ausone est l'antiapocalypse. On lui confie l'éducation de Gratien26 fils de l'empereur Valentinien27. Devenu empereur, Gratien s'enquerra de ses préceptes le nommera gouverneur du prétoire des Gaules. Ausone gouvernera de manière très avisée, remarquable.
Plusieurs siècles durant, l'Aquitaine a grandi sous les ailes bienveillantes de la Pax Romana. Elle mit à profit cette période prospère pour se débarrasser des gangues de la Barbarie protohistorique. Grace à l'unité naissante de la langue, à l'atténuation de sa fragmentation (réduction du nombre de peuples) et à l'amélioration de ses voies de communication, elle a pu se forger une économie compétitive n'excluant pas toute possibilité d'ascension sociale dans une société tolérante et même curieuse de la culture d'autrui, éprise de spiritualité jusqu'à favoriser la multiplication des cultes religieux et l'émergence d'une expression artistique (quoique peu significative) dont Ausone est le porte-flambeau. Or, durant cette même période, l'Empire Romain a déja subi les déferlantes des peuples germaniques, dès 258. Ceux-ci exploitèrent la dégarnison de la frontière du Rhin et descendirent jusqu'à Paris, Reims et Lyon, leurs appétits aiguisés sonnant le glas d'un Empire aux Empereurs peut-être moins glorieux que leurs devanciers et de légions comme lénifiées et rendues moins vigilantes par un illusoire sentiment d'immuabilité. Inéluctablement Rome dut abandonner ses provinces à leur propre chef et dans ce contexte de débâcle générale l'Aquitaine devint assez honorablement adulte.
Notes :
13 |
(Nero Claudius) Drusus : né en -38, mort en -9, gendre d'Auguste, gouverneur de la Gaule, concéda à l'Aquitaine un statut particulier. |
14 |
Vespasien (Imperator Caesar Vespasianus Augustus), né en l'an 9, mort en l'an 79. Consacra Burdigala capitale des aquitains. |
15 |
Dioclétien, "Gaius Aurelius Valerius Diocletianus", né en 245, mort en 313. Empereur de 284 à 305, sa réforme territoriale donna naissance à la Novempopulanie. |
16 |
(Gnaius) Julius Agricola : né en 40, mort en 93, général, il fut gouverneur de l'Aquitaine de 74 à 76 |
17 |
(Lucius) Octavius Cornelius (Publius Salvius Iulianus Aemilianus), il subsiste de grosses incertitudes quant à son identité réelle (homonymie), fut un gouverneur important pour l'Aquitaine sous Hadrien (76-138). |
18 |
P. Flavius Pudens Pomponianus était gouverneur de l'Aquitaine vers 185. |
19 |
Notice des Gaules (Notitia Galliarum) : recueil des différentes appellations des villes et provinces de la Gaule à travers les âges. |
20 |
Sévirs Augustaux : désignait un groupe de six affranchis choisis en fonction de leur richesse et honorabilité pour concourir aux célébrations du culte impérial à partir d'Auguste. |
21 |
Salvien de Marseille : auteur latin du V° siècle. |
22 |
Edit de Caracalla ou "constitution antonine", daté de 212, il accorde la citoyenneté romaine à tout homme libre de l'Empire qui n'en jouissait pas encore. |
23 |
Trajan (Marcus Ulpius Nerva Traianus), né en 53, mort en 117, empereur de 98 à 117. |
24 |
Amabilis : était un sculpteur du bas Empire. |
25 |
Ausone (Decimus Magnus Ausonius) : né en 309-310 et mort en 394-395. Girondin, conseiller politique du Bas-Empire, mais surtout poète renommé de langue latine. |
26 |
Gratien (Flavius Gratianus) : né en 359, mort en 383, empereur de 367 à 383. |
27 |
Valentinien (Flavius Valentinianus) : né en 321, mort en 375, co-empereur de 364 à 375 avec son frère cadet Valens. |
Annexes
1 La stèle d'Hasparren actant la naissance de la Novempopulanie :
2 Le texte de la stèle :
Flamen item duumvir, quaestor pagique magister Verus, ad Augustum legato munere functus, pro novem populis optinuit sejungere1 Gallos. Urbe redux genio pagi, hanc dedicat aram.
Prêtre, duumvir, questeur ainsi que chef du pagus, Verus fut envoyé en mission auprès de l'Empereur. S'étant acquitté de sa mission, il obtint pour les Neufs Peuples de se séparer des Gaulois. De retour de Rome, il dédie cet autel au dieu de son peuple.
Note :
1 La traduction de ce texte dépend de savoir s'il faut lire se jungere (se joindre) ou sejungere (séparer)...
3 Carte de la Novempopulanie :
4 Ausone et "Burdigala" :
Burdigala
Impia jamdudum condemno silentia, quod te, o patria, insignem Baccho fluviisque virisque, moribus ingeniisque hominuin procerumque senatu, non inter primas memorem, quasi conscius urbis exiguae inmeritas dubitem contingere laudes. non pudor hinc nobis ; nee enim mihi barbara Rheni ora nee arctoo domus est glacialis in Haemo : BURDIGALA est natale solum ; dementia caeli mitis ubi et riguae larga indulgentia terrae, ver longum brumaeque novo cum sole tepentes aestifluique amnes, quorum iuga vitea subter fervent aequoreos imitata fluenta meatus. quadrua murorum species, sic turribus altis ardua, ut aerias intrent fastigia nubes. distinctas interne vias mirere, domorum dispositum et latas nomen servare plateas, turn respondentes directa in compita portas ; per mediumque urbis fontani flumiiiis alveum, quern pater Oceanus refluo cum impleverit aestu, adlabi totum spectabis classibus aequor. Quid memorem Pario contectum marmore fontem Euripi fervere freto ? quanta unda profundi ! quantus in amne tumor! quanto ruit agmine praeceps
marginis extent! bis sena per ostia cursu, innumeros populi non umquam exhaustus ad usus ! hunc cuperes, rex Mede, tuis contingere castris, flumina consumpto cum defecere meatu, huius fontis aquas peregrinas ferre per urbes, unum per cunctas solitus potare Choaspen. Salve, fons ignote ortu, sacer, alme, perennis, vitree, glauce, profunde, sonore, inlimis, opace. salve, urbis genius, medico potabilis haustu, Divona Celtarum lingua, fons addite divis. non Aponus potu, vitrea non luce Nemausus purior, aequoreo non plenior amne Timavus. Hie labor extremus celebres collegerit urbes. utque caput numeri ROMA inclita, sic capite isto BUHDIGALA ancipiti confirmet vertice sedem. haec patria est : patrias sed Roma supervenit omnes. diligo Burdigalam, Romam colo ; civis in hac sum, consul in ambabus ; cunae hie, ibi sella curulis.
Depuis longtemps je me reproche un impie silence, ô ma patrie ! Toi, célèbre par tes vins, tes fleuves, tes grands hommes, les mœurs et l'esprit de tes citoyens, et la noblesse de ton sénat, je ne t'ai point chantée des premières ! comme si, convaincu de la faiblesse d'une pauvre cité, j'hésitais à essayer un éloge non mérité ! Ce n'est point là le sujet de ma retenue : car je n'habite point les rives sauvages du Rhin, ou les sommets de l'Hémus et ses glaces arctiques. Burdigala est le lieu qui m'a vu naître : Burdigala où le ciel est clément et doux ; où le sol, que l'humidité féconde, prodigue ses largesses ; où sont les longs printemps, les rapides hivers, et les coteaux chargés de feuillage. Son fleuve qui bouillonne imite le reflux des mers. L'enceinte carrée de ses murailles élève si haut ses tours superbes, que leurs sommets aériens percent les nues. On admire au dedans les rues qui se croisent, l'alignement des maisons, et la largeur des places fidèles à leur nom ; puis les portes qui répondent en droite ligne aux carrefours, et, au milieu de la ville, le lit d'un fleuve alimenté par des fontaines ; lorsque l'Océan, père des eaux, l'emplit du reflux de ses ondes, on voit la mer tout entière qui s'avance avec ses flottes.
Parlerai-je de cette fontaine couverte de marbre de Paros, et qui bouillonne comme l'Euripe ? Qu'elle est sombre en sa profondeur ! comme elle enfle ses vagues ! quels larges et rapides torrents elle roule par les douze embouchures ouvertes à son cours captif dans la margelle, et qui pour les nombreux besoins du peuple ne s'épuise jamais ! Tu aurais bien voulu, roi des Mèdes, rencontrer pour ton armée cette fontaine, quand les fleuves desséchés te firent faute ; et promener ses eaux par les villes étrangères, toi qui ne portais partout et toujours avec toi que l'eau du Choaspès.
Salut, fontaine dont on ignore la source, fontaine sainte, bienfaisante, intarissable, cristalline, azurée, profonde, murmurante, limpide, ombragée. Salut, génie de la ville, qui nous verses un breuvage salutaire, fontaine appelée Divona par les Celtes, et consacrée comme une divinité. L'Apone ne donne pas un plus sain breuvage, le Nemausus un cristal plus pur, le Timave et ses vagues marines une onde plus abondante.
Que ce dernier chant ferme le cercle des villes célèbres. Si Rome brille à l'autre extrémité, que Burdigala fixe sa place à celle-ci, et partage ainsi le faîte des honneurs. Burdigala est ma patrie ; mais Rome passe avant toutes les patries. Burdigala a mon amour, Rome a mon culte ; citoyen dans l'une, consul dans toutes les deux, mon berceau est ici, et là ma chaise curule.
Ausone, Clarae Urbes, XIV.
Parties
I Introduction
II La Gascogne. L'Aquitaine de la Préhistoire au premier âge du fer
III La venue des Celtes
IV La conquête romaine en Gascogne
V La romanisation de la Gascogne
VI Vers la fin des temps romains
VII La reconquête des Basques et la naissance la Gascogne
VIII Et nouste Bearn dans tout çà