La Gascogne. L'Aquitaine de la préhistoire au premier âge de fer
Les premières civilisations de l'Aquitaine remontent aux grandes glaciations de Mindel4 vers -500 000 ans. Les témoignages archéologiques sont fragmentaires. Nous savons toutefois que cet hominidé campait près des fleuves, qu'il veillait sur ses territoires de chasse et savait confectionner des outils rudimentaires en rognons de silex. Bientôt il s'est abrité dans des cavernes et a domestiqué le feu. Sa nourriture est constituée de fruits, graines, larves, insectes mais il vit principalement de chasse. Au Néanderthalien5, l'homo Aquitanicus parvient à l'âge du Moustérien6 (homme s'illustrant surtout dans l'art de fabriquer des racloirs.) Malgré le froid il réside dans les vallées et sur les plateaux. Un nomadisme partiel se fait jour en Gironde. On a découvert des édifications (notamment le mur en pierre sèche du Péch de L'Ajè) et un agencement astucieux des cavernes (l'homme sait allumer des feux qu'il entretient avec des ossements et du bois dans des cercles de pierre et sait en évacuer les fumées par le choix de l'emplacement). C'est à cette époque que nait une sensibilité artistique et religieuse mise en évidence par l'avènement du culte des morts et les nécropoles. Les morts étaient couverts d'affection, il y a des marques d'une croyance métaphysique (offrandes d'outils, de nourriture). Entre moins 35 000 et moins 9 000 ans la classification historique des phases de développement de l'homme montre une forte évolution des civilisations. Le Périgordien est un homme du grand Sud-Ouest qui perfectionne les outils, s'initie à la sculpture (conception de figurines). Il vit dans des cavernes et abris mais aussi dehors. L'Aurignacien7 de Haute-Garonne invente l'art figuratif et de nouveaux outils. En outre il passe maître ès arts de la pierre. Vers moins 15 000 ans les grands chasseurs Magdaléniens, nomades (qui selon les spécialistes pourraient être les véritables ancêtres des Basques et de leur langue actuelle) s'établissent en Aquitaine. Ils abondent la collection d'outils (sagaies, baguettes, harpons, propulseurs). Mais à la fin de cette période le climat se réchauffe et ils sont contraints de suivre les grands troupeaux d'herbivores qui font cap au Nord. Le paysage se transforme, la forêt croît, la faune mue. La poignée d'hommes restante survit à grand peine. Ils confectionnent des grattoirs et des harpons. Vers le paléolithique supérieur8 la population augmente et se sédentarise. Il y a des campements estivaux, les chasseurs savent construire des tentes, l'art est florissant. On chante et on danse au son des flutes. L'Aquitaine détient la quasi-totalité des peintures, sculptures et gravures. C'est ici que naquit un véritable art Occidental. Le bestiaire représenté est époustouflant. Cette époque vit peut-être l'homme s'initier aux sciences et au travail du bois. Cependant les découvertes laissent supposer qu'il se souciait peu de métaphysique. Vers moins 10 000 ans l'économie s'apparente au Néolithique9. L'homme vit avec ses moutons, ses chiens et un gros chat sauvage (felix sylvestris). Avec la régression de la forêt sa subsistance se fait davantage piscivore et conchylivore. Les coquillages sont prélevés en mer avec des escargots. Vers moins 4 000 ans on trouve des preuves irréfutables d'agriculture. L'homme a maîtrisé la nature, il devient producteur. Jusqu'alors l'homme s'était contenté de cueillir ou de capturer son repas du jour, de vivre en parasitant la nature. Désormais il va s'associer avec elle en semant des graines. C'est dans le Sud-Ouest de la France que son répertoriées les plus anciennes graines de céréales (vers moins 3980 ans). En Aquitaine toutes les civilisations produisaient un très grand vase de plus d'un mètres de diamètre pour y conserver le grain moissonné. Concomitamment l'élevage s'étend : boeufs, porcs, moutons et chèvres paissent durant l'été et l'hiver, sont nourris de feuilles séchées. Pour son alimentation l'homme a un penchant pour les bovins. Il pratique l'écobuage, le bétail nettoie le terrain et participe à la mise en culture. En contrepartie, la forêt recule. Se laissant dériver par le Golf Stream les premiers hommes néolithiques seraient arrivés par le littoral en provenance du Portugal au cours d'une période de forts déplacements de population en Europe, lesquels affectèrent l'Aquitaine dans une moindre mesure. Vers moins 3000 ans grâce aux apports des civilisations Ibériques le cuivre est le premier métal conquis par l'homme. Il sert à concevoir des armes et des outils. Entre moins 2800 ans et moins 2500 ans l'homme vit plus volontiers en communautés. Il établit ses villages sur les hauteurs qui sont plus aisées à défricher. Avec la constitution de groupes humains les individus se spécialisent : tailleurs de silex, artisans fabricant outils et armes, agriculteurs champêtres, gardiens des troupeaux, chasseurs pour la nourriture. Les femmes travaillent la laine, taillent et cousent les peaux, confectionnent des poteries, des bassines et tressent des nattes avec des ajoncs. En outre les ancêtres du pain et du fromage sont nés. Les outils s'affinent : lames de faucilles, ciseaux et lissoirs. C'est à cette époque que la coquetterie voit le jour : hommes et femmes portent des pendentifs. Mais hélas une fois la terre épuisée il faut partir en quête de nouveaux champs et pâturages. De la convoitise du bien d'autrui nait la tentation de s'en emparer par quelque guerres tribales sporadiques. D'où la nécessité de défendre et de fortifier les villages que l'ont ceint d'un double fossé profond de 2,5 à 3,8 mètres et large de 5 à 7 mètres. Entre les deux on érigeait un rempart abrupt de terre et de pierres. La sépulture devient l'expression du groupe humain. La religiosité et le culte des morts lui confèrent une apparence indestructible. Vers moins 1800, moins 1500 ans, la Hallebarde de Geay10 exhumées à Sost dans les Hautes-Pyrénées attestent que l'homme sait exploiter le bronze. Le métal vient d'Armorique. Le Médoc, où la matière première parvenait sans doute en bateau par la côte et était échangée contre de l'ambre, devient un centre actif de production. On dénombra 43 entrepots, 1055 haches, 6 pointes de lance, 5 bracelets, 2 pointes de javelot et 1 harpon avec un goût manifeste pour la décoration des produits. Le métal était coulé dans un moule bivalve puis martelé à froid. Bientôt la hache Médoquine fut introduite dans les Pays de l'Adour et la production est imitée en Gironde avec la création de haches à talons. À cette époque nous sommes confrontés à une situation bipolarisée entre une Gascogne du Nord métallurgique et peu peuplée et une Gascogne du Sud se démarquant par ses rites funéraires d'où ressortent principalement ses vases polypodes du Bronze Ancien (vers moins 1800 à moins 1500 ans) et ses céramiques du Bronze Moyen (moins 1500 à moins 1200 ans) à Final (moins 1200 à moins 900 ans). Les Aquitains du sud se sont initiés au nettoyage des sols légers et productifs de la Chalosse, du Bas-Armagnac et du Condomois, ainsi qu'à celui des étangs et des forêts peu denses près de l'Océan, se gardant bien toutefois de s'attaquer aux forêts hirsutes des Landes aux sols trop argileux, aux vallées encaissées et marécageuses et aux montagnes, terres de pastoralisme. L'Aquitaine érige aussi quelques dolmens et menhirs ne soutenant aucunement la comparaison avec ceux de la Gaule et de l'Ibérie. Ils sont majoritairement l'émanation des peuplades pastorales et jalonnent de ce fait les voies traditionnelles de transhumance (Val d'Aran, Somport) ainsi que la rivière Gers à Bartres. À l'est de la Baïse aucun ne fut jamais découvert. De même les vestiges d'habitations et d'agglomérations sont très rares. Tout porte à penser que les abris furent des cabanes en bois, argile et pisé : terre argileuse battue, humectée et stratifiée dans un moule. Ces cabanes furent certainement couvertes de chaume. Pour l'essentiel on inventorie des tumuli et des nécropoles, excavations souterraines où reposaient les morts, surtout dans les régions périphériques de la Gascogne ( Pays de Buch, Couserans, Chalosse Occidentale, Val d'Aran, haute vallée de la Garonne, de la Neste et de l'Adour, le plateau de Lannemezan, du Gers, le Tursan et les Landes du Pont-Long). Ces rituels funéraires où le mort était enterré sous un tumulus de terre ou de pierre s'enracinent dans la nuit des temps préhistoriques et se perpétuent jusqu'à moins 1000 ans environ avec l'avènement de l'incinération qui va prédominer jusqu'à l'ère chrétienne. Le mort était incinéré avec ses effets, ses armes, et ses bijoux sur un monticule d'argile lissé et ses cendres étaient recueillies dans une urne en terre cuite déposée au centre du tumulus avec les reliques de ses armes, de ses bijoux, mais aussi des aliments pour la vie d'outre-tombe contenus dans des vases à offrandes. Vers le Buch et les Pyrénées les vases étaient légérement enterrés, à même le sol sur le plateau du Gers. Les preuves d'un feu rituel purificatoire ont été observés au-dessus des tombes tandis que des cercles de pierre ceignent la sépulture comme en prévention des maléfices. Dans les landes d'authentiques nécropoles furent mises à jour comme à Lannemezan, Neste et Avezac-Prat. De forme citculaire le tumulus mesurait entre 3 et 30 mètres de diamètre et 12 centimètres de hauteur. Le mobilier funéraire était très riche. Ainsi dans un tumulus du Plateau du Gers découvrit-on : plusieurs fibules, une agrafe de ceinture en bronze, une collection d'armes, d'outils et de parures en fer : une épée, des pointes de lances, des couteaux, un javelot de 1 mètre 40, un mors à cheval et dix vases en céramique. L'emplacement de ces nécropoles correspond sans doute à des carrefours où coulissent et s'entremèlent les populations pastorales du premier âge de fer (vers moins 700 ans). Mais avant tout cela, vers moins 1200 ans on extrait le sel par ébullition à Salies de Béarn, peut-être aussi à Salies du Salat. Vers moins 900, moins 800 ans, le fer nécessaire à la confection des armes fut exploité dans les Landes. Aussi, les carrefours de transhumance purent tenir lieu de marchés, donnant naissance à la civilisation Halstattienne10 du Sud Aquitain. Mais pour le restant de la Gascogne une étrange épée de fer avec poignées à antennes droites trouvée dans quelques tumuli du Gers et du Lot-et-Garonne semble être la seule preuve tangible de l'existence d'une civilisation en dehors du piémont Pyrénéen. Le métal est alors couramment utilisé pour les outils, l'ornement et les vêtements. Il entre dans la confection des pièces d'harnachement : mors, bride, anneaux doubles, ... Le cheval sert de monture et de tracteur. Le marché commun du Bronze, commerce juteux est florissant. Notes : 4 La Glaciation de Mindel fut la deuxième glaciation de l'ère quaternaire, elle court de -650 000 à - 350 000 ans. 5 Le Néanderthalien correspond à la période s'étendant d'environ -250 000 à - 28 000 ans. 6 Le Moustérien désigne l'élaboration culturelle majeure du Paléolithique moyen et de l'homme de Néandertal, sépultures, préoccupations esthétiques pour l'essentiel. 7 L'Aurignacien désigne l'ensemble des éléments de développement humain mis à jour pour la période s'étendant de -35 000 à -30 000 ans. Pour l'essentiel furent exhumées des sagaies à base fendue, des lamelles et des lames retouchées bilatéralement. 8 Le Paléolithique supérieur se situe entre -35 000 et -10 000 av. J.-C. 9 Le Néolithique est une période débutant vers -9 000 ans et s'achevant vers -3 300 avec l'invention de l'écriture. 10 Les Hallebardes de Geay sont des hallebardes du Bronze Ancien, vers -1 800 à - 1 500 ans av. J.-C. Annexes 1 Carte du "Pays Basque" au Paléolithique Parties I Introduction II La Gascogne. L'Aquitaine de la Préhistoire au premier âge du fer III La venue des Celtes IV La conquête romaine en Gascogne V La romanisation de la Gascogne VI Vers la fin des temps romains VII La reconquête des Basques et la naissance la Gascogne VIII Et nouste Bearn dans tout çà