Le phénomène dit des "broutches" ou la terreur des éteules
Mon témoignage : Dimanche 28 mars 2010, 14h30. Lancé dans un raid à destination d'une de mes morillères de l'Entre-deux-Gaves, je venais de gravir le sévère chemin qui relie le Moulin de Labour au village de Burgaronne et entamai la descente vers la route de Sauveterre de Béarn. Sous un voile de cirrostratus assez denses et qui ternissaient quelque peu l'éclat du soleil, il faisait très doux. Après avoir dépassé le lieu-dit Castagna, je devalai de plus belle vers Bélinden comme une plaisante brise latérale de nord-ouest, venant à ma rencontre, passait dans mes cheveux, bruissant à mes oreilles. Sur ma droite, dans une ravissante propriété arborée de chênes, des gens occupaient les premiers beaux jours à râtisser feuilles et menus débris ligneux. En contrebas dans la pelouse fraîchement tondue, brûlait comme un feu purificateur. Soudain, est-ce corrélé, comme un souffle coulissait à proximité, feuilles et brindilles, soulevées et entrainées dans une ronde singulière et endiablée, se mirent à tournoyer de plus en plus vite cependant qu'une colonne d'air et de poussière montait au ciel. Tel une toupie, le phénomène alla s'activant sur la pente selon une trajectoire conforme au vent dominant. Parvenu en bordure de la propriété, Eole vocifèra dans la haie de lauriers cerises, sauta sur le chemin, s'écoula deux mètres devant moi dans un vacarme assourdissant avant de s'évanouir dans l'herbe d'une prairie grasse une vingtaine de mètres plus bas. Sans que les gens affairés ne l'aperçussent ni même que je pusse armer mon appareil photo le météore naquit et dépérit en moins d'une minute. ... Qu'est-ce qu'une broisha ? En béarnais, le mot broisha, "brouche", désigne une sorcière. Par association d'idée il désigne aussi une colonne d'air ascendant et tourbillonnant à grande vitesse, aisément repérable à ce qu'elle entraine avec elle quantité de poussières, gravillons ainsi que feuilles et menus débris, et se déplaçant généralement à l'instar des tornades, à vitesse réduite, depuis son point de naissance jusqu'à son point de résorption. Le diamètre d'une "broisha" atteint rarement cinq mètres. Le vent est nul en son centre, à la manière de l'oeil d'un cyclone, mais peut atteindre rapidement 150 voire 200 km/h tout autour. La broisha ne doit pas être confondue avec une tornade, celle-ci consistant en une sorte de tuba descendant du ciel vers le sol à la base des cumulonimbus les plus puissants. Les tornades sont beaucoup plus étendues et dévastatrices et se produisent dans de gros systèmes orageux. Les trois broishas que j'ai eu la chance d'observer à ce jour, en septembre 1985 à Salies, mars 1997 sur le campus palois, et donc ce 28 mars 2010 à Burgaronne, avaient ceci de commun que le temps était assez bien voire très ensoleillé, avec une élévation brutale de la température cependant qu'une légère advection d'air frais ou froid s'amorçait en basse altitude selon un phénomène banal de brise. De même, une fausse broisha "artificielle", très commune, se déclenche parfois lorsque les plus puissantes rafales de nos tempêtes subissent l'altération et les contrariétés des barres d'immeubles et des façades des maisons. En fait, seuls les tourbillons de sable dans le désert peuvent être tenus pour phénomènes approchants quoiqu'à beaucoup plus grande échelle. Jadis les broishas étaient redoutées des paysans car elles étaient suffisamment puissantes pour détruire les éteules de foin.