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Le Blog de Cristau de Hauguernes
14 octobre 2024

Haut et court

Adishatz,

"Je ne savais pas que les cèpes pouvaient pousser à cette époque," (après le 15 août, cqfd) me disait naguère une dame de mon voisinage, issue de la paysannerie de l'Entre-deux-Gaves et donc plutôt au contact et au fait des rythmes de la nature. C'est dire si la pousse de grande ampleur intervenue en dernière décade du mois d'août en a surpris plus d'un, sans parler de ceux qui à cette époque-là avaient pris quelques vacances loin des bois...

Or la grande pousse de cèpes en plaine juste après le grand virage du 15 août, par le passé, n'était pas chose si rare, c'est juste devenu si exceptionnel dans le climat actuel que beaucoup de nos contemporains en ont perdu le souvenir, du moins ceux qui étaient nés la dernière fois que l'évènement s'est produit. L'occasion m'est donnée de rappeler à quel point le mycélium des cèpes thermophiles (cèpes noirs et cèpes d'été) est opportuniste et autrement plus sensible à la covariance des facteurs extérieurs d'ordre climatique (pluviométrie, températures ambiantes et de sol, hygrométrie, etc) qu'à la grande roue du calendrier. Dans un passé assez récent, les pousses prodigieuses des mois de juillet 2011 et 2014, entre autres, en furent l'illustration éclatante. Cette faculté d'adaptation que par anthropocentrisme abusif je nomme "opportunisme" étant moins évidente chez le Marteroet ou cèpe de Bordeaux qui apparaît rarement avant septembre en plaine quand les conditions favorables à sa venue semblent parfois réunies (de plus en plus rarement) dès le plein été.

Pourtant, la survenue de pluies torrentielles (près de 100 mm) de la soiré du 13 à la matinée du 14 août peu après une journée du 11 août torride, elle-même précédée d'un mois de juillet et d'une première décade d'août assez chauds et secs, aurait dû en alerter plus d'un. Surtout que les conditions météorologiques des journées suivantes, ni trop chaudes ni trop sèches, s'alignaient parfaitement pour une pousse.

Curieusement, les premiers bouchons de cèpes, des aereus de belle taille, étaient visibles dès le 21 août, vraisemblablement la progéniture de quelques averses antérieures tout autant que la signature d'un empressement à sortir. Cette pousse qui est très rapidement montée en puissance a duré 10 jours. À partir du 31 août et jusqu'au 21 septembre je ne trouverai plus que quelques cèpes à l'unité dans les bois, mis en train par les arrosages intervenus depuis la fin du mois d'août. Autant dire qu'il ne fallait pas être en déplacement en dernière décade d'août ou louper l'affaire, au grand désespoir de certaines connaissances rencontrées quelques jours plus tard et qui me dirent : "ah bon ? ça a poussé fin-août ?"

Outre sa brièveté, cette pousse se signale par la disparité des situations observées sur le terrain, parfois à quelques hectomètres de distance seulement. Si certains, dont je fus, ont été particulièrement soignés car leurs bois d'élection se situent sur les hauteurs ou en exposition sud, préalablement bien chauffés et séchés par le beau temps du milieu de l'été, les chercheurs des bas-fonds et des bois bordant les cours d'eau, notamment en versant nord, n'ont pas vu l'ébauche d'un cèpe. J'ai dans l'idée que les sols de ces écosystèmes n'avaient pas suffisamment séché, et ne s'étaient pas suffisamment réchauffés, au sortir d'un second semestre très pluvieux et peu ensoleillé, et que les abats d'eau des 13 et 14 août leur ont porté le coup de grâce au moment même où l'été commençait tout juste à leur prodiguer ses bienfaits. Cela ne consolera pas les infortunés mais depuis, la pluviométrie excessive et récurrente du mois de septembre et des premiers jours d'octobre nous a tous logés à la même enseigne...

En effet, après cette pousse aussi précoce qu'intense, un temps j'ai espéré le retour de conditions durablement ensoleillées et chaudes dès le début de l'automne comme prérequis à une nouvelle pousse (fût-elle moindre,) dans le courant du mois d'octobre en allant vers la Toussaint. Les secteurs oubliés fin-août étant cette fois servis. Or, 2024 ne faisant rien comme les années précédentes c'est tout l'inverse qui est advenu : la pluie et la fraîcheur relative, après avoir rapidement mis hors jeu les oronges, ont fini par décourager les cèpes thermophiles, supplantés par les girolles dont l'abondance atteint des niveaux jamais vus pour ma part.

Actuellement nous nous trouvons dans un entre deux, les cèpes de Bordeaux ont fait un premier tour de piste (modeste mais apprécié) à la mi-septembre suite aux nuits très fraîches du début de la deuxième décade. Or les sols gascons qui affichent pour la plupart 18°C à -10 cm sont désormais redevenus beaucoup trop chauds pour cette espèce (15°C étant son plafond) et saturés d'eau pour ses cousines thermophiles. J'ai tout de même observé une recrudescence d'affleurement mycélien en fin de semaine dernière dans les placiers à aereus et aestivalis et je me dis qu'avec la hausse en cours des températures et si par bonheur il ne pleut pas trop, nous en trouverons peut-être à nouveau quelques uns ces prochains jours ou semaines, au moins sur les emplacements privilégiés (hauteurs et bords de chemins ensoleillés, bois surélevés,) comme souvent. Après, il faudra bien que les températures du sol dévissent pour que le roi Marteroet reprenne enfin ses quartiers, en novembre de préférence.

Adishatz !

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